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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction d’Esa-Pekka Salonen à la Philharmonie de Paris.
Foisonnement lumineux
Esa-Pekka Salonen est sans conteste la baguette la plus souple et la plus fluide qui soit. Avec l’Orchestre de Paris, cet art stylise peut-être trop Chostakovitch (en contraste avec un Gautier Capuçon rageur) mais ouvre en pleine lumière le champ des possibles pour la musique de Bruckner, loin du pathos de toute une tradition interprétative.
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
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Archet écrasé sur les cordes, Gautier Capuçon attaque avec violence le Premier Concerto pour violoncelle de Chostakovitch. Sa sonorité s’en trouve enlaidie, réduite à une monochromie peu expressive malgré la dextérité des traits. Le soliste semble enfermé dans une bulle qui l’empêche de répondre aux sollicitations du cor. Si la sonorité retrouve des couleurs pour le mouvement lent, la cadence sonne ensuite très extérieure et séquentielle, avec des pizzicatos bruyants cassant le discours.
Pour le Finale, le violoncelliste retourne à sa rage, certes sonore, mais sans connexion avec ce que fait l’orchestre. Du reste, l’impression de passer à côté de l’œuvre est renforcée par la direction vif-argent, élégante et détachée d’Esa-Pekka Salonen. Non seulement, elle ne correspond manifestement pas au dessein du violoncelliste mais elle tire l’œuvre vers un néoclassicisme inattendu.
Sans doute plus qu’aucune autre des neuf symphonies de Bruckner, la Sixième illustre la manière du compositeur de commencer une idée musicale, de l’arrêter, d’en commencer une autre, de l’arrêter pour revenir à la précédente avec quelques modifications, puis de débuter encore autre chose… Mal assimilé par les musiciens, le flux de ce discours peut tourner à l’épreuve pour l’auditeur. Rien de tel, bien au contraire, avec le chef finlandais qui dirige cette partition depuis quatre décennies.
Salonen parvient à ne jamais brusquer les choses, veillant à ne pas donner l’impression d’anticiper tout en restant le point de repère de l’orchestre : comme une balise en haute mer, il est entouré de masses liquides glissant en surface et en profondeur. Cette fluidité marque particulièrement le Majestoso initial, où les rythmes atteignent une complexité rarement atteinte chez le compositeur. Jamais séquentielle, la direction privilégie les glissements harmoniques plutôt que les affrontements frontaux.
Un orchestre en état de grâce porte très haut cette conception. Les cuivres offrent une grande palette dynamique sans écraser le son, la petite harmonie joue d’une extrême variété d’attaques et de couleurs. Les cordes forment des ombres et lumières qui donnent à l’Adagio des proportions parfaites, inégalées. La lisibilité permanente de cette lecture est phénoménale. Le Scherzo devient une chasse nocturne à la Berlioz. Quant au Finale, point d’écueil de tant d’interprétations, il devient sous la baguette de Salonen, plus qu’un récapitulatif, une sorte de fenêtre ouverte sur des possibilités supplémentaires dans un foisonnement rythmique et harmonique s’éteignant subitement avec la coda.
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Philharmonie, Paris Le 02/12/2021 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction d’Esa-Pekka Salonen à la Philharmonie de Paris. | Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Concerto pour violoncelle n° 1 (1959)
Gautier Capuçon (violoncelle)
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie n° 6 (1881)
Orchestre de Paris
direction : Esa-Pekka Salonen | |
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