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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Création française des Oiseaux de Braunfels dans une mise en scène de Ted Huffman et sous la direction d’Aziz Shokhakimov à l’Opéra national du Rhin.
Les Oiseaux, enfin !
Un siècle et des broutilles après leur création à Munich, Les Oiseaux de Walter Braunfels trouvent enfin le chemin d’une scène française, grâce à la ténacité de l’Opéra du Rhin, qui a dû, pour mettre à son répertoire un ouvrage aussi exigeant, jongler avec des contaminations au Covid-19 record, à même de mettre à mal sa création hexagonale.
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Il est incroyable qu’en un siècle, pas une scène française n’ait programmé Les Oiseaux de Walter Braunfels, antinazi converti au catholicisme dont l’ouvrage, transcendé par la direction de Bruno Walter et le chant de Maria Ivogün, fut un triomphe à sa création en 1920 à l’Opéra de Munich, au long de cinquante représentations. On ne remerciera donc jamais assez l’Opéra du Rhin pour l’exhumation tant attendue de cet opéra de 2h30 librement adapté de la pièce d’Aristophane et classé selon les critères odieux du Troisième Reich comme « art dégénéré ».
Une parabole sur l’hybris narrant les pérégrinations de Bonespoir et Fidèlami qui incitent la Huppe, ancien humain devenu volatile, à créer une ville céleste d’où les oiseaux pourraient dominer les Dieux. Une utopie avortée après les admonestations de Prométhée et la colère de Zeus, mais qui laissera à Bonespoir le goût de son amour pour le Rossignol sur les lèvres. Partant, le metteur en scène américain Ted Huffman a cru bon de se lancer dans une métaphore du capitalisme, l’action déplacée dans les locaux tristes à mourir d’un open-space où les employés fomentent une révolte.
Une transposition bas de plafond qui tourne court, vite à l’étroit dans des considérations triviales au milieu d’un mobilier d’entreprise sens dessus dessous, remis proprement en ordre in fine, et un Prométhée dont la punition consiste à vider les poubelles. Heureusement que quatre danseurs se livrent à une virevoltante pantomime dans le ballet du II pour faire pousser quelques ailes à un spectacle assez plombé mais qui au moins n’altère jamais l’écoute.
Car Les Oiseaux donnent des merveilles à entendre, véritable opéra de chef, partition d’orchestre impressionnante de foisonnement sonore, dans un langage néo-romantique convoquant beaucoup de Richard Strauss (les parties de volière inspirées de Zerbinette et de La Femme sans ombre), un peu de Wagner et de fiévreuses pages extatiques dignes des Gurre-Lieder de Schoenberg ; excusez du peu !
Tout le début du II, hypnotique et lunaire duo d’amour gorgé de chromatisme, suffit à prouver la valeur artistique d’un opéra généreux en contrastes et bouillonnant, qui laisse aussi de très belles pages chorales. Des qualités royalement servies par la baguette électrisante du nouveau directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, l’Ouzbek Aziz Shokhakimov, privé des premières soirées par un test positif au Covid, et qui en cette matinée de dernière chauffe tout autant des chœurs que les masques chirurgicaux ne privent pas d’éloquence.
Une redécouverte grisante grâce aussi à une équipe de chanteurs affrontant crânement le volume orchestral, et où triomphent avant tout le ténor fiévreux et déployé du Hoffegut de Tuomas Katajala et le Rossignol de Marie-Eve Munger, pas un modèle de rondeur hors des coloratures mais d’une facilité et d’un rayonnement déconcertants dans la stratosphère.
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 30/01/2022 Yannick MILLON |
| Création française des Oiseaux de Braunfels dans une mise en scène de Ted Huffman et sous la direction d’Aziz Shokhakimov à l’Opéra national du Rhin. | Walter Braunfels (1882-1954)
Die Vögel, opéra en un prologue et deux actes (1920)
Livret du compositeur d’après la pièce d’Aristophane
Chœur de l’Opéra national du Rhin
Orchestre philharmonique de Strasbourg
direction : Aziz Shokhakimov
mise en scène : Ted Huffman
décors : Andrew Lieberman
costumes : Doey LĂĽthi
Ă©clairages : Bernd Purkrabec
chorégraphie : Pim Veulings
préparation des chœurs : Alessandro Zuppardo
Avec :
Marie-Eve Munger (Le Rossignol), Tuomas Katajala (Bonespoir), Cody Quattlebaum (Fidèlami), Josef Wagner (Prométhée), Christoph Pohl (La Huppe), Julie Goussot (Le Roitelet), Antoin Herrera-López-Kessel (L’Aigle), Young-Min Suk (Zeus), Daniel Dropulja (Le Corbeau), Namdeuk Lee (Le Flamant rose), Simonetta Cavalli & Nathalie Gaudefroy (Deux Grives), Dilan Ayata, Tatiana Zolotikova & Clémence Baïz (Trois Hirondelles). | |
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