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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction d’Esa-Pekka Salonen à la Philharmonie de Paris.
Dentelles et incises
Pour son second programme de printemps avec l’Orchestre de Paris, Esa-Pekka Salonen délivre des lectures d’une perfection formelle impressionnante, toujours poétique, qui sied particulièrement à la Pavane de Ravel. La suite du Mandarin merveilleux de Bartók et la Symphonie fantastique de Berlioz y gagnent une transparence et un impact hors du commun.
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
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La plus grande délicatesse préside à ce début de concert. L’énoncé du thème de la Pavane de Ravel se fait avec une abondance de nuances piano, notamment au cor qui pourtant ne sacrifie rien de son timbre. Un savoir-faire stupéfiant qui émerveille comme la plus arachnéenne des dentelles. Ce petit miracle se transmet aux autres pupitres avec la fluidité coutumière de la direction d’Esa-Pekka Salonen.
À la fin de la pièce, la reprise du thème par l’ensemble des musiciens sonne comme l’évanouissement d’un mirage pour laisser place à une image nette qui suscite immédiatement la nostalgie de ce qu’on vient d’ouïr. Signalons au passage que, contrairement à ce qu’affirme le programme de salle, la pièce n’a pas été mise au répertoire de l’Orchestre de Paris par Sylvain Cambreling en 1982 mais qu’elle fut enregistrée dès la fondation de l’orchestre sous la direction de Charles Munch.
Un tout autre style est ensuite convoqué par la suite du Mandarin merveilleux de Bartók. À la raucité des cordes, Salonen oppose une folle virtuosité des vents. L’ensemble compose un vacarme urbain plus stylisé qu’expressionniste. On peut même y entendre des échos américains. Si le chef crée un climat mystérieux et inquiétant, il ne se départit pas d’une élégance de tous les instants là où d’autres cultivent à dessein un son plus sale.
Les équilibres qu’il y réussit amènent une transparence inouïe dans la section centrale dont la séduction se pare de reflets irisés fascinants. La maîtrise des rythmes n’y est pas pour rien et triomphe dans les syncopes des cordes qui partent des contrebasses pour gagner de manière incisive et irrésistible l’ensemble des pupitres dans un rapprochement avec Le Sacre du printemps qui n’a jamais paru aussi évident.
La soirée se termine sur le tube absolu de la formation parisienne, la Symphonie fantastique, quasiment jouée tous les ans depuis le concert inaugural de 1967. Salonen cultive davantage les rêveries que les passions, même si le mouvement liminaire est animé d’un lyrisme certain. La valse du Bal se pare d’une élégance formelle, et la Scène aux champs d’un équilibre associé davantage au classicisme qu’au romantisme généralement attaché à ces pages. La poésie du cor anglais depuis la coulisse rappelle l’Arcadie de Daphnis et Chloé joué la semaine dernière.
Dans les deux derniers mouvements, l’inquiétude ou la noirceur ne viennent pas des timbres qui restent splendides mais de l’incise des rythmes, puis de l’effet produit par les cloches qui depuis l’extérieur de la salle évoquent le tocsin gagnant les différents clochers d’une ville en une alerte désespérée. Les musiciens de l’Orchestre de Paris et leur chef invité vont donner ce programme triomphal dans le cadre d’une tournée en Italie.
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Philharmonie, Paris Le 21/04/2022 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction d’Esa-Pekka Salonen à la Philharmonie de Paris. | Maurice Ravel (1875-1937)
Pavane pour un infante défunte (1910)
BĂ©la BartĂłk (1881-1945)
Le Mandarin merveilleux, version de concert (1927)
Hector Berlioz (1803-1869)
Symphonie fantastique (1830)
Orchestre de Paris
direction : Esa-Pekka Salonen | |
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