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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Nouvelle production de Freitag aus Licht de Stockhausen dans une mise en scène de Silvia Costa et sous la direction de Maxime Pascal à l’Opéra de Lille.
Écouter la lumière
Quelques mois après la création mondiale de Like flesh, l'Opéra de Lille accueille le quatrième volet du cycle Licht de Karlheinz Stockhausen. Ce projet délirant initié par Maxime Pascal et son ensemble Le Balcon est porté par un plateau de premier plan avec une astucieuse mise en scène de Silvia Costa, capable de traduire l'étrange beauté de ce rituel poétique.
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Complicité artistique
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Hommage au réalisme poétique
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Organisé en un cycle de sept opéras, Licht déploie sur les sept jours de la semaine un étonnant et étrange rituel où le symbole est l'objet d'une foi profane et mythologique avec pour objectif d'englober une cosmologie reliant l'homme et l'univers. Réglé avec un degré de détail d'une précision inouïe, Freitag (Vendredi) ne déroge pas à la règle.
Le spectateur est englouti physiquement et mentalement par cet assemblage magistral dans lequel le geste, l'objet, le son et la couleur ont une place prédéfinie – se développant à partir d'une "super formule" que Stockhausen a mise au point en 1977 à partir d'une superposition de trois mélodies correspondant aux trois personnages principaux Michaël, Eva et Luzifer.
Œuvre de l'harmonie et du nombre sacré, Freitag fait disparaître les contours stricts de la dramaturgique en leur substituant une succession de scènes qui racontent la tentation d’Eva par Luzifer. La soirée s'ouvre avec la projection de la "formule" dans le foyer de l'opéra durant le Freitags-Gruss (Salut du vendredi), suivie par la rencontre entre Eva et Ludon, nouvelle incarnation de Luzifer.
Les deux protagonistes sont entourés par des enfants formant un petit ensemble orchestral et un chœur. Aux instruments occidentaux (Eva) répondent les percussions africaines (Luzifer). L'affrontement pacifique fait dialoguer les cultures tandis que se déroulent en marge des scènes humoristiques autour de couples d'objets.
Idée de mise en scène à la fois simple et forte, cette galerie à la Prévert présente au-dessus de la scène une suite de duos objets-personnages – photocopieuse, voiture de course, jambe et ballon de foot, seringue, cornet de glace, chat et chien… Dans un second temps, les couples se réorganisent, formant une longue suite d'incohérences chahutées en rythme avec les amours tourmentées d'Eva et Kaino, le fils de Luzifer.
En préservant un langage théâtral constitué essentiellement de sensations et de formes, la scénographie évacue la question du sens littéral pour se concentrer sur l'aspect plus purement poétique et imagé. En témoigne cette Kinderkrieg psychédélique, épilogue festif où des troupes d'enfants se battent avec des poudres colorées avant un ultime défilé où figurants et musiciens se retrouvent sur l'avant-scène pour un ultime salut.
Opérateur invisible de cette immense machine d'images, Maxime Pascal dirige les masses chorales réglées par Émilie Fleury en collaboration les projections sonores de Florent Derex avec la réalisation informatique musicale d'Augustin Muller. Fidèle collaboratrice du Balcon, Jenny Daviet prête à Eva un registre suraigu aux contours délicats et brillants.
Antoin Herrera-López Kessel est scéniquement et vocalement parfait en Luzifer/Ludon, secondé par Halidou Nombre en Kaino. On reste ébloui par la préparation et le niveau instrumental des jeunes élèves du Conservatoire de Lille, de même que la mise en place de la Maîtrise de Notre-Dame de Paris et les six jeunes acteurs présents sur scène d'un bout à l'autre de la soirée dans le rôle des démiurges.
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Opéra, Lille Le 07/11/2022 David VERDIER |
| Nouvelle production de Freitag aus Licht de Stockhausen dans une mise en scène de Silvia Costa et sous la direction de Maxime Pascal à l’Opéra de Lille. | Karlheinz Stockhausen (1928-2007)
Freitag aus Licht, opéra en un salut, deux actes et un adieu, pour trois voix, trois instruments solistes, orchestre d’enfants, chœur d’enfants, chœur, synthétiseur, douze couples de danseurs-mimes et électronique (1996)
Maîtrise de Notre-Dame de Paris
Élèves du Conservatoire à Rayonnement Régional de Lille
Le Balcon
direction : Maxime Pascal
mise en scène et scénographie : Silvia Costa
Ă©clairages : Bernd Purkrabek
costumes : Bianca Deigner
projection sonore : Florent Derex
réalisation informatique musicale : Augustin Muller
préparation des chœurs : Émilie Fleury
Avec :
Jenny Daviet (Eva), Antoin Herrera-López Kessel (Ludon), Iris Zerdoud (Elu, cor de basset) Charlotte Bletton (Lufa, flûte), Halidou Nombre (Kaino), Sarah Kim, Haga Ratovo (Synthibird, synthétiseurs), et les danseurs Rosabel Huguet Dueñas (Le bras), Suzanne Meyer (La bouche), Jean-Baptiste Plumeau (La jambe). | |
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