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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre philharmonique de Berlin sous la direction de Kirill Petrenko à la Philharmonie de Paris.
Une vie de virtuose
L’Orchestre philharmonique de Berlin réussit en une seule soirée parisienne à conserver sa réputation de meilleur orchestre. C’est aussi la preuve d’une conjonction durable entre Kirill Petrenko et ses musiciens. Sa direction aiguise leur virtuosité ébouriffante sans aller à l’encontre de la signature sonore de l’ensemble.
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Les deux programmes emportés par l’Orchestre philharmonique de Berlin pour leur tournée de fin d’été présentent dans leur première partie des variations. Si l’on regrette de n’avoir à Paris qu’un seul concert et de manquer de ce fait les Variations pour orchestre de Schoenberg, on se console avec les magistrales Variations et fugue sur un thème de Mozart de Max Reger.
Le hautbois d’Albrecht Mayer énonce avec grâce le thème mozartien accompagné par des cordes diaphanes. Kirill Petrenko conserve au maximum cet esprit de musique de chambre dans les variations qui suivent. Tout en laissant les pupitres exposer leurs timbres splendides, le chef veille à une clarté phénoménale des voix intermédiaires. Variation après variation, c’est un voyage dans l’histoire musicale qui se déroule, pour atteindre dans la dernière un pathos dont Petrenko exhale la nature profondément postromantique. La fugue finale voit l’explosion des forces orchestrales mais le chef obtient une telle lumière que la démonstration n’a pas la pédanterie qui en résulte sous d’autres baguettes.
Après cet exercice étourdissant sur une mélodie unique, c’est à l’inverse la plus grande profusion thématique que propose Une vie de héros de Strauss. D’emblée l’allant de la conduite des phrases étonne et ravit : voilà un chef qui a retenu la leçon du compositeur. À l’instar de ce qu’on entend dans les deux témoignages discographiques de Strauss, Petrenko ne s’attarde jamais sur aucun des effets qui émaillent généreusement la partition et pratique une ligne systématiquement claire.
Ce qui le distingue nettement de ce modèle, c’est son orchestre absolument superlatif. La nouvelle premier violon solo Vineta Sareika-Völkner en constitue l’étendard glorieux. Virtuosité, précision, timbre, elle a tout. Et la musicienne accomplie sait personnifier sans mièvrerie Pauline, l’épouse souvent impétueuse du compositeur. Sinon, on ne sait quel pupitre mettre en avant, tant les musiciens des Berliner rivalisent tous de virtuosité. Petrenko obtient de leur part une acuité exceptionnelle tout en les laissant exprimer leurs particularismes, et l’on retrouve par exemple l’intensité légendaire des contrebasses.
Le Champ de bataille du héros, fracassant à souhait, n’est jamais assourdissant. Sa clarté le rend d’autant plus effrayant. Sans doute certains regretteront que les multiples citations dans Les Œuvres de paix du héros ne soient davantage soulignées. Cette direction les rend plus ludiques que ne l’auraient été des clins d’œil appuyés. Et l’on s’émerveille de l’intonation d’une stabilité incroyable à la toute fin de l’ouvrage. Enfin, il faut relever qu’aux saluts, c’est un musicien extérieur à l’orchestre qui provoque un rugissement immense de la salle : le corniste Matias Piñeira du Philharmonique de Munich a fait montre d’une sonorité de rêve parfaitement intégrée à celle de ses hôtes, ce qui fait espérer son recrutement dans les forces berlinoises.
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Philharmonie, Paris Le 02/09/2023 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre philharmonique de Berlin sous la direction de Kirill Petrenko à la Philharmonie de Paris. | Max Reger (1873-1916)
Variations et fugue sur un thème de Mozart, op. 132 (1914)
Richard Strauss (1864-1949)
Ein Heldenleben, op. 40 (1898)
Berliner Philharmoniker
direction : Kirill Petrenko | |
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