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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde sous la direction de Christian Thielemann, avec le concours de l’altiste Antoine Tamestit au festival de Lucerne 2023.
Lucerne 2023 (2) :
Ainsi fond, fond, fond
Le lendemain de l’interruption du concert de Vladimir Jurowski par des activistes du climat et alors que la température reste suffocante au bord du Lac des Quatre Cantons, le concert de Christian Thielemann avec la Staatskapelle de Dresde à Lucerne se déroule sans encombre autre qu’une Symphonie alpestre généreuse mais constamment floue et mal stratifiée.
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Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern
Le 09/09/2023
Yannick MILLON
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
[ Tous les concerts ]
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La soirée avait excellemment débuté, dans un KKL bien frais rempli seulement aux deux tiers ; pas de quoi altérer une première partie de concert de la Staatskapelle de Dresde assez magistrale. Rarissime, le concerto pour alto de Paul Hindemith, Der Schwanendreher, basé sur des chansons populaires dont le fameux Tourneur de cygnes, approche ce soir une forme de perfection. Les musiciens saxons brillent de mille feux, des contrebasses, très présentes, à une harpe caressante, en passant par des cuivres de rêve dans les pastiches de choral.
Antoine Tamestit, tout en subtilité, entame seul un premier mouvement où s’infiltre sur la pointe des pieds un orchestre resserré, sans cordes aiguës, dans une narration Entre Montagne et vallée profonde qui tient constamment en haleine. Le balancement de sicilienne du mouvement lent consacré à la floraison du tilleul est l’occasion d’échanges complices, avant des variations finales d’une joie impertinente jamais loin de Till l’espiègle. Cette partition dont Hindemith tint lui-même la partie soliste à la création en 1935 reste un petit bijou. En bis, l’altiste français donne une leçon d’électricité avec le Wild de la Sonate pour alto op. 25 n° 1 du compositeur.
Après la pause, la rencontre inratable entre le couple Thielemann-Dresde et l’Alpensinfonie ne renouvelle guère ses miracles d’antan. Le chef, d’abord, n’attend même pas un vrai silence de salle pour poser le climat nocturne initial de la gigantesque partition de Richard Strauss avec un geste large qui donne d’emblée une nuance trop élevée. Pire, la battue paraît bien pressée et l’orchestre très flou tant au niveau rythmique que dans ses équilibres pendant un Lever de soleil poisseux.
Comme s’il était alpiniste novice, le patron de la Staatskapelle, qui sautera à pieds joints avec la légèreté du charolais sur son podium aux saluts, se lance à l’assaut de L’Ascension d’un pas tellement décidé qu’il calera à plusieurs reprises dans l’endurance requise par les cinquante-cinq minutes ininterrompues de la partition, traitée ce soir avec beaucoup de détachement. En résulte un gigantesque bain sonore surnuancé où les détails manquent constamment à l’appel : embruns de la cascade, atmosphères bucoliques des pâturages, éclairs des timbales.
Les effets de masse restent glorieux, avec des cordes au legato souverain mangées par des vents manquant souvent de charme en solo – hautbois, flûte, trompette aux limites de la justesse. Et même si l’on admire ce Coucher de soleil irradiant de lumière, on se demande si pour ce programme de rentrée, Thielemann a vraiment consacré assez de temps au remontage de la partition. Sous les affres du réchauffement climatique, jusqu’à un Mondschein de Capriccio bien moite en bis, la Symphonie alpestre donne ce soir l’impression d’avoir méchamment fondu.
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Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern Le 09/09/2023 Yannick MILLON |
| Concert de l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde sous la direction de Christian Thielemann, avec le concours de l’altiste Antoine Tamestit au festival de Lucerne 2023. | Paul Hindemith (1895-1963)
Der Schwanendreher
Antoine Tamestit, alto
Richard Strauss (1864-1949)
Eine Alpensinfonie
Sächsische Staatskapelle Dresden
direction : Christian Thielemann | |
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