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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Les Espaces acoustiques de Gérard Grisey par l’Ensemble intercontemporain et de l’Orchestre du Conservatoire de Paris sous la direction de Pierre Bleuse à la Philharmonie de Paris.
Spectre génial
En investissant l’acoustique à double tranchant de la salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, l’Ensemble intercontemporain et l’Orchestre du Conservatoire donnent tout l’espace requis au chef-d’œuvre de Gérard Grisey, Les Espaces acoustiques. La direction d’une remarquable souplesse de Pierre Bleuse est à la hauteur de l’événement.
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L’expérience de la musique en concert demeure irremplaçable. Les phénomènes sonores ne s’apprécient jamais mieux que dans les conditions du direct. C’est d’autant plus juste ce soir quand ces questions sont au cœur même de la démarche de la composition entendue. Les Espaces acoustiques de Grisey démontrent comme un simple son à partir de toutes ses composantes peut constituer la base d’une œuvre entière, très vaste qui plus est.
De l’obscurité et du silence naît le son du Prologue. Présence chaleureuse, l’alto d’Odile Auboin ouvre le cycle de manière presque lancinante. Pierre Bleuse et l’Ensemble Intercontemporain assis jusqu’ici dans l’ombre, prennent le relais dans les deux pièces suivantes, parfaitement enchaînées. Devant ses sept puis dix-huit musiciens, le chef saisit admirablement la respiration fondamentale de ces pages – les inspirations et expirations chères au compositeur.
L’acoustique généreuse de la salle Pierre Boulez est ici à double tranchant, portant les phénomènes harmoniques mais noyant aussi certaines nuances pianissimos au milieu des quelques bruits émanant du public. Suivant les instructions du compositeur, Partiels s’achève sur un coup de projecteur : un percussionniste se prépare très ostensiblement à un coup de cymbales qu’on appréhende retentissant mais qui n’a pas lieu, le noir se faisant dans la salle et provoquant ainsi l’hilarité du public.
Sans entracte, le plateau se couvre littéralement de musiciens, les forces conjointes de l’Intercontemporain et de l’Orchestre du Conservatoire de Paris. Le projecteur se rallume sur le percussionniste et, cette fois, c’est un sifflet strident qui empêche son geste ; alors commence Modulations. Trente-trois instrumentistes jouent de toutes les échelles sonores, et la direction de Bleuse montre une grande fluidité dans l’alternance des vitesses et des périodes.
Avec Transitoires, c’est tout l’orchestre qui se retrouve dans une dilatation générale à la rythmique diabolique. Bleuse apparaît comme une balise rassurante dans la tempête sonore qui emplit toute la salle jusqu’à ce que du haut de l’arrière-scène Odile Auboin reprenne sa mélodie lancinante. L’Épilogue voit tout le processus spectral repris mais sous le commentaire des quatre cors solos remarquablement ironiques. La dislocation gagne tout l’orchestre, formidable pied de nez génialement interprété ce soir.
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Philharmonie, Paris Le 13/10/2023 Thomas DESCHAMPS |
| Les Espaces acoustiques de Gérard Grisey par l’Ensemble intercontemporain et de l’Orchestre du Conservatoire de Paris sous la direction de Pierre Bleuse à la Philharmonie de Paris. | Gérard Grisey (1946-1998)
Les Espaces acoustiques (1974-1985)
Odile Auboin, alto
Jean-Christophe Vervoitte, cor
Pierre Rémondière, cor
Jean-Noël Weller, cor
Arthur RĂ©gis dit Duchaussoy, cor
Ensemble intercontemporain
Orchestre du Conservatoire de Paris
direction : Pierre Bleuse | |
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