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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Einstein on the Beach de Glass dans une mise en scène de Susanne Kennedy et sous la direction d’André de Ridder dans le cadre du Festival d’automne à la Grand Halle de la Villette, Paris.
Plage post-Einstein
Un an après Einstein on the beach en format concert par Ictus et le Collegium Vocale Gent à la Cité de la Musique, le premier opéra de Philip Glass se déplace à la Grande Halle de la Villette. Associés à l’Ensemble Phoenix Basel et aux Basler Madrigalisten, Susanne Kennedy et Markus Selg donnent dans le postapocalyptique et le mystique.
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Grande Halle de la Villette, Paris
Le 23/11/2023
Chloë ROUGE
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
[ Tous les concerts ]
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Susanne Kennedy et Markus Selg décident de se séparer du train, du procès, de la prison et du vaisseau spatial pour placer l’action sur une plage postapocalyptique. Les autochtones l’ont structurée autour d’une ruine circulaire – référence au Chappa’ai de Stargate – qui sert aussi de lieu de rituel. Non loin de là , un temple où les jerricans d’essence servent d’offrandes, et à deux pas un petit camp. Ces pas, le spectateur peut les réaliser lui-même, invité dès le début de l’opéra à se balader, s’assoir, s’allonger sur la scène et le plateau tournant où se déplacent les chanteurs et les performeurs.
En ouvrant les possibilités de déplacement au-delà de ce qu’avaient imaginé Glass et Bob Wilson, mais dans un lien de filiation, Kennedy et Selg placent le spectateur comme acteur de l’opéra. Au début, on bouge, on discute, on s’interroge comme si l’on se trouvait au Musée du Quai Branly en train de commenter les artéfacts d’un peuple inconnu. Rapidement, on s’assoit pour contempler le quotidien et les rituels des autochtones comme si nous étions les villageois. Un performeur propose un jeu ancestral à base d’os à des spectateurs, tandis qu’un autre surveille sa chèvre (une vraie).
Sous forme de grand patchwork, les imprimés du décor, réalisés à partir d’une technique d’art génératif, reprennent le principe répétitif des motifs musicaux. Si les associations de couleurs – jaune, marron, rose et bleu – peuvent surprendre et donner, de loin comme de près, une impression de laideur, le spectateur ne s’en rend bientôt plus compte tant l’espace dans lequel il évolue est cohérent. Disséminées un peu partout, les traces d’une civilisation précédente – logo de l’atome, formules de la relativité générale – rappellent la figure d’Einstein comme un dieu inconnu mais vénéré.
Pour rythmer ce quotidien, le chef André de Ridder coordonne magistralement musiciens et chanteurs depuis une petite fosse que les spectateurs ont tout le loisir d’observer de près. Seule instrumentiste sur scène, la violoniste Diamanda Dramm prend part aux rituels du village représentant l’importance de la musique dans la structuration de la société. Aussi bien servie, la musique de Philip Glass créé un état de stase, à tel point que les trois heures trente d’opéra ne se ressentent pas. On regrette cependant que les chanteurs aient un son d’ensemble très hétérogène : surtout chez les femmes qui laissent entendre des vibratos trop différents et trop présents.
Ainsi, cette expérience d’écoute au cœur de l’action déroute mais séduit ; nous engage dans un même projet, jusqu’à nous transporter dans le temps. À moins que nous ne soyons sur une autre planète…
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Grande Halle de la Villette, Paris Le 23/11/2023 Chloë ROUGE |
| Einstein on the Beach de Glass dans une mise en scène de Susanne Kennedy et sous la direction d’André de Ridder dans le cadre du Festival d’automne à la Grand Halle de la Villette, Paris. | Philip Glass (*1937)
Einstein on the beach (1976)
Livret de Christopher Knowles, Samuel M. Johnson & Lucinda Childs
Ensemble Phoenix Basel
Basler Madrigalisten
direction : André de Ridder
mise en scène : Susanne Kennedy
scénographie : Markus Selg
chorégraphie : Ixchel Mendoza Hernández
costumes : Teresa Vergho
Ă©clairages : Cornelius Hunziker | |
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