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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Récital du pianiste Adam Laloum dans le cadre des Concerts du dimanche matin au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Liberté du recommencement
Adam Laloum remet sans cesse les mêmes œuvres sur le métier et on est loin de s’en plaindre. Aux Concerts du dimanche matin de Jeanine Roze, il offre une interprétation follement libre et maîtrisée des Opus 49 et 61 de Chopin. Une fois encore, son interprétation de l’avant-dernière sonate de Schubert semble atteindre une nouvelle étape intérieure.
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Adam Laloum est l’un de ces artistes possédant une concentration hors norme. Dans une salle presque comble, passablement bruyante et applaudissant à chaque opportunité, il ne dévie jamais de son art basé sur une construction du son hallucinante. Ouvrant ce concert dominical avec la Fantaisie en fa mineur de Chopin, le pianiste place tout le programme sous le signe de la gravité en détaillant le Tempo di marcia tel un funambule surplombant le vide.
Si la section plus animée arrive de manière très progressive, c’est la partie centrale qui marque en offrant une épure proche de la déconstruction mais tenant par seul le contrôle sonore. La coda toute en délicatesse évite tout sentimentalisme mais émeut profondément par la longueur de son souffle. Reprenant un enchaînement qu’il a souvent pratiqué, Laloum poursuit avec la Polonaise-fantaisie du compositeur polonais.
Un choix de résonnances. Son phrasé introductif ne laisse aucun doute sur l’intériorité qui préside selon le pianiste à cette page d’une grande liberté. Là encore l’alternance des sections se fait sans effet disruptif mais plutôt comme un continuum reflétant les méandres de l’âme. Jusqu’à une conclusion d’une évidence qui laisse sans voix. D’où notre étonnement après le concert quand le pianiste répond à notre question benoite sur un éventuel enregistrement de pièces de Chopin par un « Ouh là , non, je vais continuer à les jouer ! » En revanche, Adam Laloum vient de graver magnifiquement pour Harmonia Mundi la pièce qui clôt le programme, la Sonate en la majeur de Schubert.
Cette musique d’un être à la dérive trouve une nouvelle fois une incarnation terriblement juste, éloquente et bouleversante. De l’Allegro, Laloum fait un chant véhément et passionné des possibles presque irrémédiablement atteint par l’indicible douleur de l’Andantino. Il y déploie des nuances qui sonnent avec une évidence désarmante. La magie sonore illumine le Scherzo qui cherche à être insouciant malgré quelques failles. Et c’est le Rondo final qui développe magistralement toute l’ambiguïté d’un discours entre tenue et déchirement.
La densité du jeu n’est jamais lourde et relève d’une incroyable maîtrise sonore. Peut-être est-ce parce que Brahms admirait et parlait de l’Andantino de la sonate de Schubert comme d’une « berceuse de la douleur » que Laloum choisit de laisser son public conquis avec l’Intermezzo en mib majeur op. 117 n° 1 du compositeur allemand. Comme une prière de paix.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 11/02/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Récital du pianiste Adam Laloum dans le cadre des Concerts du dimanche matin au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Frédéric Chopin (1810-1849)
Fantaisie en fa mineur, op. 49 (1841)
Polonaise-fantaisie en lab majeur, op. 61 (1846)
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate en la majeur D. 959 (1828)
Adam Laloum, piano | |
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