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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Nouvelle production de la Création de Haydn dans une mise en scène de Kevin Barz et sous la direction de Marta Gardolińska à l'Opéra de Lorraine.
Une galerie de l'évolution
À l’Opéra national de Lorraine, Kevin Barz met en scène l'oratorio La Création de Haydn à la manière d'un hommage à la science et aux inventeurs. Le spectacle vu à Nancy vire à la leçon de choses où l’ennui guette rapidement et vaut surtout par l'interprétation de Julie Roset et la direction remarquable de Marta Gardolińska.
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Complicité artistique
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Déjà auteur d'un étonnant projet intitulé NOX #1 (Nancy Opera Xperience) autour de la question du sentiment amoureux durant la période Covid, Kevin Barz récidive à l'Opéra de Lorraine en signant concept, mise en scène et vidéo d'une Création de Haydn revue et corrigée à la lumière des nouvelles technologies et du Metavers.
En reliant le monde de l'art et de la science, Barz fait de l'oratorio de Haydn une réflexion en images sur le sens que portent aujourd'hui les termes de réalité (et humanité) augmenté(es), transposant par le flux d'images technologiques un austère livret composé à partir de la Genèse ainsi que sur le poème épique Le Paradis perdu de John Milton.
L’Allemand se saisit de l'idée d'un Big Bang pour illustrer la trajectoire de l'atome à l'humanoïde contrôlé par l'intelligence artificielle. Le spectacle prend la forme d'une vaste fresque avec le chœur omniprésent sur des gradins et déguisé façon musée Grévin des hautes figures scientifiques depuis l'Antiquité jusqu'au XXIe siècle. On y croise Archimède et Alan Turing, en passant par Marie Curie ou Rosalind Franklin pour les plus célèbres, mais nombre de ces personnages impliquent de consulter le lien QR code pour être identifiées.
C'est sans doute la limite de ce projet : en faisant de la science et des scientifiques la toile de fond décorative d'un oratorio réduit à une leçon de choses, on perd progressivement le fil et l'intérêt de ces images 3D avec lesquelles les trois solistes interagissent parfois comme pour tromper l'ennui qui gagne.
L'humour (involontaire ?) apparaît dans les mouvements de lèvres du primate calqués sur ceux de l'interprète filmé en temps réel. Le message consiste à démontrer que les millions d'années de l'évolution débouchent sur une humanité qui finit par s'auto-détruire, laissant le champ libre aux robots humanoïdes dont un étonnant exemplaire est animé en temps réel sur scène par les techniciens de la société de recherche informatique OFFIS.
Le plateau est tenu de belle manière. La voix de l’époustouflante Julie Roset illumine la salle plus efficacement que tous les artifices visuels précités. Les aigus ont une netteté et des couleurs qui forcent l'admiration dans les longues tenues, en se jouant des changements de registres. Sam Carl déploie un instrument d'une belle densité, capable de nourrir la ligne et l'émission quand la partition l'exige. Le ténor Jonas Hacker relève le défi en livrant une prestation de haut vol, avec un phrasé et des nuances de belle intensité.
La direction de Marta Gardolińska donne aux chœurs et à l’orchestre maison une carrure qui porte haut les qualités d'ensemble malgré une finition émaillée de quelques décalages. L'impact relatif du chœur invariablement assis sur ses gradins est heureusement réhaussé par un orchestre qui fait entendre un nappé remarquable dans l'articulation des cordes et des vents.
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