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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 novembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre Philharmonique de Vienne dirigé par Simon Rattle au Théâtre des Champs -Élysées.
Sir Simon Rattle
réinvente la lumière
Il est probablement, le chef anglais le plus doué de sa génération et son talent pour séduire un orchestre n'a sans doute d'égal que celui de Don Giovanni pour circonvenir les coeurs. Il est venu mardi dernier avec l'une de ses plus belles conquêtes, le Philharmonique de Vienne. Leur concert fut totalement irradiant.
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Il est de bon ton, depuis quelques mois, dans des milieux bien chics et bien parisiens, de parler avec dédain du Philharmonique de Vienne et de faire la fine oreille à chacun de ses concerts. Quel orchestre, pourtant peut s'enorgueillir de cordes aussi somptueuses ? Dans la Symphonie n°88 de Joseph Haydn, elles sont irrésistibles.
Simon Rattle impose des tempos vifs, une énergie très concentrée, une articulation nettement marquée- de toute évidence, l'influence des baroqueux est passée par là -, un rebond rythmique perpétuel, une forte carrure- enfin un Menuet qui n'est pas une danse de salon mais qui revendique sa rusticité et un finale qui a du tonus à revendre. Son Haydn est rayonnant, solaire, même, dissimulant sa complexité sous le plus franc naturel.
Prestement enlevée, elle aussi, la 5e Symphonie de Beethoven est vue non comme une manifestation de puissance, mais comme l'affirmation d'un rythme vital. Pas d'emphase tragique, pas de romantisme exacerbé, pas de métaphysique sous-jacente ni d'exercice formel, mais un jeu thématique dont la progression dramatique se développe sans la moindre baisse de régime, une tension qui trouve sa résolution, dans le dernier mouvement, comme il se doit, en donnant l'impression d'un parfait équilibre entre unité organique et vérité expressive. Rattle semble lire Beethoven à la lumière de Haydn : moins de pathos, plus d'énergie vitale et d'éclat, la 5e ne perd rien au change.
Entre ces deux sommets du classicisme, la Lulu-Suite de Berg apporte une note plus moderne, mais il est encore une partie du public pour proclamer haut et fort son désintérêt pour une musique "contemporaine" ( !), jouée, pourtant, de la manière la plus avenante qui soit, avec des timbres (ne serait-ce que la flûte dans le Rondo initial) particulièrement séduisants. Les quatre Variations sont habilement négociées ; et l'Adagio conclusif, dans son angoissant dépouillement, est beaucoup plus qu'un moment de virtuosité orchestrale : de ces lueurs qui révèlent des abîmes.
En bis, Rattle annonce lui-même une musique enfin moins agitée ( !), ce sera La Scène des grues de Kuolema, de Sibelius ; un pur moment de sérénité où les cordes d'aciers se sont changées en soies qui filtrent une douce incandescence. Triomphe indescriptible pour un chef qui illumina son Théâtre comme le sont déjà les Champs-Élysées en période de fête.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 05/12/2000 Michel PAROUTY |
| Concert de l'Orchestre Philharmonique de Vienne dirigé par Simon Rattle au Théâtre des Champs -Élysées. | Orchestre Philharmonique de Vienne Direction : Simon Rattle.
Haydn : Symphonie n° 88.
Berg : Lulu-Suite.
Beethoven : Symphonie n° 5. | |
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