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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 mai 2025 |
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Première au Théâtre du Capitole de Toulouse de Giulio Cesare de Haendel dans la production de Damiano Michieletto, sous la direction de Christophe Rousset.
Jules César pris au sérieux
Si le spectacle signé Damiano Michieletto laisse la même impression univoque que lors de sa création au Théâtre des Champs-Élysées en mai 2022, l’entrée de Giulio Cesare au répertoire du Capitole de Toulouse bénéficie de la direction experte de Christophe Rousset. Et les risques pris quasiment in extremis pour réajuster la distribution s’avèrent payants.
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La défection, moins d’un mois avant la première, d’Elisabeth DeShong, dont les débuts en Giulio Cesare étaient particulièrement attendus, s’est résolue par l’une de ces mini réactions en chaîne portant la marque du savoir-faire propre aux directeurs de maisons d’opéra – ou au responsable du casting, quand cette tâche lui est déléguée. Annoncée à l’origine en Cornelia, Rose Naggar-Tremblay s’est ainsi retrouvée promue au rang de primo uomo, tandis qu’Irina Sherazadishvili lui était substituée en veuve de Pompeo.
Plus mezzo que contralto, mais jamais prise en défaut de projection dans l’acoustique favorable, sinon flatteuse du Capitole, la jeune Québécoise déploie sur tout l’ambitus un velours frémissant, dont la lumineuse féminité tend à contredire l’assurance virile, certes souvent mise à mal, du rôle-titre. D’autant que la fluidité des coloratures en atténue l’impact censément héroïque, malgré une vélocité infaillible. S’il est donc permis de douter que cet emploi lui soit absolument naturel, l’exploit n’en est pas moins digne d’éloge.
Le centre de gravité plus bas de l’instrument opulent d’Irina Sherazadishvili confère à Cornelia une profondeur que la Géorgienne allie à un instinct musical captivant, a fortiori dans un répertoire qu’elle a jusqu’ici peu ou pas fréquenté, doublé d’un fort tempérament dramatique. Bien qu’en devenir à cet égard – mais Sesto ne l’est-il pas, qui doit sortir de l’ombre de son père défunt ? –, Key’mon Murrah n’usurpe pas le titre de révélation, comme auréolé, dès qu’il ouvre la bouche, d’une ductilité d’émission culminant, à l’instar de sa ligne de chant, dans un aigu d’une inépuisable délicatesse.
À l’aune du niveau toujours plus élevé atteint par la génération actuelle des falsettistes, ainsi illustré – et avec quelle évidence ! –, les moyens de Nils Wanderer ne paraissent guère plus que communs. Et le cantonnent dans le registre de contre-ténor de caractère, qu’il assume non sans verser dans la caricature, ce dont Tolomeo peut se satisfaire, jusqu’à un certain point.
Bien plus contestable est Claudia Pavone, Traviata sur le point de se mesurer, sur la même scène, à Norma, et dont Cleopatra marque la première incursion dans le baroque. Avec ce qu’il faut de piquant, Non disperar, chi sa ? fait illusion. Le manque criant de sensualité de V’adoro, pupille ne tarde cependant pas à la dissiper, tandis qu’une ligne insuffisamment tenue – question stylistique de dosage du vibrato, mais pas seulement – empêche la soprano italienne de porter les grands lamenti à leur paroxysme. Dépourvu, enfin, de toute jubilation, le Da tempeste post-traumatique voulu par Damiano Michieletto force son abattage jusqu’à la crispation.
C’est que le metteur en scène, à rebours de la tendance en cours depuis déjà quelques décennies, prend l’ouvrage au sérieux, avec son protagoniste vieillissant cerné par la menace de sa mort (imminente ?) que symbolisent les trois parques sur fond de toile de fils rouge sang. Un propos intéressant dont la traduction scénique, aussi lisible soit-elle, nivelle le théâtre haendélien. Il revient donc à Christophe Rousset d’en exalter la variété, tant au clavecin qu’à la tête de ses Talens Lyriques, dont la palette est aussi dense que le trait est affûté.
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Théâtre du Capitole, Toulouse Le 28/02/2025 Mehdi MAHDAVI |
 | Première au Théâtre du Capitole de Toulouse de Giulio Cesare de Haendel dans la production de Damiano Michieletto, sous la direction de Christophe Rousset. | Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Giulio Cesare in Egitto, opera seria en trois actes (1724)
Livret de Nicola Francesco Haym, d’après Giacomo Francesco Bussani
Les Talens Lyriques
direction : Christophe Rousset
mise en scène : Damiano Michieletto
décors : Paolo Fantin
costumes : Agostina Cavalca
éclairages : Alessandro Carletti
Avec :
Rose Naggar-Tremblay (Giulio Cesare), Claudia Pavone (Cleopatra), Irina Sherazadishvili (Cornelia), Key’mon Murrah (Sesto), Nils Wanderer (Tolomeo), Joan MartĂn-Royo (Achilla), William Shelton (Nireno), Adrien Fournaison (Curio). |  |
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