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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 mai 2025 |
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Nouvelle production de Pelléas et Mélisande de Debussy dans une mise en scène de Wajdi Mouawad et sous la direction d’Antonello Manacorda à l’Opéra national de Paris.
Le château de l’araignée
Sans ostentation, le Pelléas et Mélisande monté avec une délicatesse toute poétique par Wajdi Mouawad en parfaite conjonction avec la préparation musicale exemplaire d’Antonello Manacorda se révèle une très belle réussite. Sabine Devieilhe, Huw Montague Rendall et Gordon Bintner forment un triangle amoureux particulièrement convaincant.
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Une fois le noir total et le silence réalisés dans la salle, des bruits de la forêt se font entendre et une pénombre dévoile un simple décor figurant une mare en avant-scène alors qu’une vidéo montre une frondaison touffue. Une créature mi-homme mi-sanglier transpercée de flèches traverse la scène d’un pas chancelant et disparaît. Bientôt, les bruits s’évanouissent, la fosse s’illumine et les premiers accords de l’opéra poursuivent cette évocation onirique.
Ce court prologue constitue la seule liberté prise par la mise en scène de Wajdi Mouawad par rapport au chef-d’œuvre de Debussy et Maeterlinck. Son dispositif scénique restreint ne change guère au fil des tableaux et des actes : une profondeur de scène limitée, qui reste raisonnable pour cet opéra intimiste un peu perdu dans la vastitude de Bastille, complétée par quelques plateformes escamotables juste derrière la mare immuable.
Pièce essentielle de la scénographie, en fond de scène un rideau fait de cordes sert d’écran pour les vidéos qui évitent le pittoresque en montrant une nature inquiétante. Les protagonistes peuvent à tout endroit y disparaître mais pas s’en échapper. Mouawad montre peu de choses en dehors de cadavres d’animaux comme celui du cheval qui chute comme Mélisande le fait dans la première scène. Pour le reste il suit l’histoire et suggère juste un contexte effrayant à travers le cauchemar de Golaud.
De la pénombre de cette prison psychologique d’où on n’arrive pas à s’élever et dans laquelle il semble possible de plonger encore davantage, une direction d’acteur limpide se rattache comme rarement au livret. Les mots de celui-ci sont projetés sur le décor. Ce qui pourrait paraître redondant et agaçant par apport au surtitrage également présent se révèle en fait justifié : le texte de Maeterlinck retrouve dans cette production sa place symboliste essentielle.
En symbiose parfaite avec ce travail respectueux mais très inspiré, la direction d’Antonello Manacorda subjugue par sa justesse et sa respiration. Bien qu’il aborde ici pour la première fois Pelléas, le chef italien réussit pleinement à faire vivre la partition tel un décor orchestral changeant juste cadré par des timbales d’une rare subtilité. Les musiciens prodiguent un jeu de couleurs et de textures absolument époustouflant. Entre lumière et obscurité, de la terre à l’eau, l’orchestre joue des intensités comme cœur vivant laissant toute sa place à la prosodie parfaitement réalisée par les chanteurs.
La Mélisande de Sabine Devieilhe, à la diction de rêve et au médium affirmé, cherche sans cesse à se relever et bouleverse au V. D’une aisance vocale peu commune, le Pelléas de Huw Montague Rendall irradie littéralement de jeunesse sans jamais se départir d’une pudeur qui est vraiment celle du personnage. Gordon Bintner semble d’abord préoccupé par son texte mais rapidement son incarnation de Golaud gagne une stature dramatique où la brutalité se fêle au fil des scènes.
En revanche Sophie Koch en méforme totale détonne en Geneviève. Jean Teitgen répète son Arkel réconfortant. Médecin impeccable d’Amin Ahangaran, tandis que l’Yniold d’une justesse crâne de la jeune Anna-Blanche Trillaud Ruggeri assiste impuissant à cette chute sans fin dans la toile de la jalousie.
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