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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 mai 2025 |
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Récital du pianiste Mikhaïl Pletnev au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
L’électron libre
Mikhaïl Pletnev donne un programme présentant successivement les vingt-quatre préludes de Scriabine puis ceux de Chopin. Deux cycles en miroir dont le premier est un hommage au second mais que le pianiste approche très différemment que ce soit au niveau des couleurs, des phrasés ou des équilibres, avec une subjectivité parfois déroutante.
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La nuit, tous les chats sont gris. De la pénombre se distingue à peine la silhouette de Mikhaïl Pletnev qui s’avance vers le clavier très faiblement éclairé. Un peu comme Sviatoslav Richter à la fin de sa vie, son compatriote choisit de jouer dans une quasi obscurité. Celle-ci renforce et aiguise sans doute notre perception de la sonorité de son piano, un Shigaru Kawai. D’une richesse presque étouffante de timbres avec un médium parfois saturé, le son de ce piano fait un singulier effet, neutralisant complétement la sécheresse de l’acoustique du Théâtre des Champs-Élysées.
Pour les Préludes de Scriabine, le pianiste use d’une palette de couleurs allant du bleu nuit au grenat en passant par des verts émeraude et des bruns de bois précieux. Très différentes sont celles que Pletnev convoque pour les Préludes de Chopin. Toujours éloigné du blanc et du noir, on croit y voir de l’ambre et de l’ivoire, plus de lumière surtout, au point de provoquer une illusion selon laquelle l’éclairage de la salle aurait été modifié alors qu’il n’en est rien.
Le jeu du pianiste présente aussi d’autres différences importantes, voire considérables. Ses Scriabine sonnent peu contrastés, comme un tout où par l’usage de la pédale les harmoniques profondes l’emportent sur le reste, dans un effet hypnotique presque paralysant, brouillant les pistes données pourtant par les tonalités. Ses Chopin voient en revanche les deux mains développer les oppositions frontales d’une théâtralité extrême.
Plus encore, Pletnev se montre d’une liberté effrontée quant au texte. Il déplace la barre de mesure à sa guise et ignore souvent tempo et logique dynamique, se plaisant à souligner les ostinati jusqu’à une enflure proprement déclamatoire. Les traits peuvent sonner d’une exactitude ébouriffante ou au contraire un peu savonné, c’est selon le bon vouloir de l’artiste qui maîtrise parfaitement sa technique.
Les deux premiers bis, toujours de Chopin, résument cette approche disruptive : un Nocturne en mi majeur op. 62 n° 2 distendu et un Rondo en mib majeur op. 16 qui perd son caractère. Jamais l’ennui ne pointe devant cet art apparemment imprévisible mais peut-être seul le dernier bis, l’Étude en fa majeur op. 72 n° 6 de Moszkowski proprement ahurissante convainc vraiment.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 04/03/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | Récital du pianiste Mikhaïl Pletnev au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Alexandre Scriabine (1872-1915)
24 Préludes, op. 11 (1896)
Frédéric Chopin (1810-1849)
24 Préludes, op. 28 (1838)
MikhaĂŻl Pletnev, piano |  |
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