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CRITIQUES DE CONCERTS |
02 juin 2025 |
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Récital Schubert du pianiste Arcadi Volodos dans le cadre de la série Piano**** à la Philharmonie de Paris.
Un envoûteur au clavier
Le récital Schubert d’Arcadi Volodos dans le cadre de Piano**** rappelle au besoin que sa maîtrise de l’instrument s’apparente à celle d’un sorcier. Les petites formes des Moments musicaux et de deux Lieder transcrits par Liszt atteignent sous ses doigts une sorte d’acmé. La pénultième sonate se distend poétiquement, sous le coup d’une subjectivité prodigieuse.
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Quelques accords du premier des Six Moments musicaux de Schubert suffisent à plonger l’auditeur dans un sentiment d’irréalité. Là où d’autres pianistes évoquent dans ces pièces un cor de chasse, une berceuse ou l’eau d’un ruisseau, Arcadi Volodos construit une abstraction musicale.
Le réglage unique de son Steinway associé à son jeu inimitable produit des sonorités inouïes, indéniablement difficiles à décrire : une douceur d’émission qui n’est pas mollesse, une vibration qui fait naître des couleurs à profusion. Cette alchimie sonore semble naître devant nous alors qu’elle n’a rien de spontané.
Volodos égrène les six pièces avec une grande liberté, souvent il les effleure comme des réminiscences, estompant les contrastes et étirant le tempo comme pour prolonger le songe. Le public laisse le pianiste poursuivre avec deux transcriptions de Lieder par Liszt. Dans Litanei, son chant pudique paraît émerger d’une matière chimérique sous une lumière sourde, et dans Der Müller und der Bach, il semble progressivement s’évanouir.
Après l’entracte, la Sonate n° 20 en la majeur obéit aux mêmes canons que son fameux enregistrement de 2019 (Sony) mais le rubato s’est accentué avec le temps et les piani se sont encore approfondis. La fin de l’Allegro initial a l’air écrite pour le piano de Volodos : le retour du thème ressemble à une apparition spectrale.
Dans la continuité, l’Andantino sonne de manière longuement suspendue nonobstant l’agitation de la section centrale. Scherzo et Allegretto final font l’objet d’une introspection poétique qui peut dérouter par les tensions qu’elle exerce sur la forme même, sans doute mieux servie par d’autres doigts. Les béances qu’ouvre le pianiste russe relèvent d’une poétique inouïe.
Aux vigoureuses acclamations du public, Volodos répond par trois bis : l’Intermezzo op. 117 n° 1 de Brahms, qu’il étire presque langoureusement, sa version enrichie et insensée de la Rhapsodie hongroise n° 13 de Liszt, et enfin un Paysage triste de Mompou ourlé de couleurs sourdes et envoûtantes.
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Philharmonie, Paris Le 19/05/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | Récital Schubert du pianiste Arcadi Volodos dans le cadre de la série Piano**** à la Philharmonie de Paris. | Franz Schubert (1797-1828)
Six Moments musicaux, D. 780 (1823-1828)
Litanei auf das Fest Allerseelen, D. 343
Der Müller und der Bach (Die schöne Müllerin, D. 795)
Transcriptions : Liszt
Sonate pour piano n° 20 en la majeur, D. 959 (1828)
Arcadi Volodos, piano |  |
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