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CRITIQUES DE CONCERTS |
17 juin 2025 |
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Nouvelle production de La Traviata de Verdi dans une mise en scène de Karin Henkel et sous la direction de Paolo Carignani au Grand Théâtre de Genève.
Violetta et ses doubles
La metteuse en scène Karin Henkel crée la sensation avec une vision décapante et brechtienne de La Traviata au Grand Théâtre de Genève. Rien de véritablement subversif pour autant, avec comme idée principale un rôle distribué à rien moins que deux chanteuses et une danseuse. Le plateau répond à l'enjeu, la fosse un peu moins…
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Violetta et ses doubles
Assur vainqueur
Fric-frac
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Aviel Cahn souhaitait une Traviata aux antipodes de la version Zeffirelli et, le moins que l'on puisse dire, c'est que cette mise en scène signée Karin Henkel a poussé le projet au-delà de ce à quoi on aurait pu s'attendre. Le pari qu'elle fait est certes osé, frustrant, maladroit parfois, mais prend au moins le risque d'aller à l'encontre de l'une des œuvres les plus adulées et les moins remises en question du répertoire.
Prenant comme fil rouge l'idée que la mort sous-tend l'intégralité de l'opéra, la mise en scène invite à diffracter la personnalité de Violetta en plusieurs personnages : l'enfant, la courtisane, l'agonisante. Pour chacun, elle crée une présence et une histoire individuelle, comme ce récit-pantomime relatant comment l'enfant a été vendue et abusée. L'option implique une Violetta 1 dialoguant parfois avec une Violetta 2, double vocal lui-même doublé par un double dansé et une jeune figurante pour l'enfant.
La complexité dramaturgique conduit à une mise à l'écart du couple impossible que forme Violetta avec Alfredo – ce dernier réduit toute la soirée à la portion congrue. A contrario, Germont père coche toutes les cases du patriarcat et de la toxicité, depuis le proxénète jusqu'au chef mafieux dont les hommes de main ligotent Alfredo pour un interrogatoire musclé. En concentrant l'intérêt sur une Violetta multifacettes, les autres lignes sont forcément déformées : c'est le prix à payer pour une approche qui ne manque pas d'atouts sur le papier mais dont la réalisation manque parfois de tenue.
L'impressionnant décor déplace l'action dans les sous-sols interlopes d'un bâtiment officiel qui sert de chambre funéraire et de salle de boxe pour des combats illégaux qui viennent pimenter la fête chez Flora. Dommage que les costumes fassent obstacle aux idées, la faute à un style et des couleurs hors d'âge qui soulignent une direction d'acteurs souvent monolithique et distanciée.
Les portraits en grand format rappellent les obsèques de personnalités officielles, tandis que la scène à la campagne est illustrée par des posters géants d'animaux de la forêt, saisis en noir et blanc et pellicule infrarouge pour en souligner le caractère inquiétant, comme des alter ego de la société environnant Violetta. Ruzan Mantashyan livre une Violetta très volontaire avec des aigus énergiques et un engagement qui fait passer un manque relatif de souplesse au second plan. Martina Russomanno lui donne la réplique avec un timbre très doux et très coloré dans des airs qui passent de l'une à l'autre.
Le Giorgio Germont de Luca Micheletti gagne progressivement en présence mais peine à ouvrir son Pura siccome un angelo avec naturel, concurrencé par un Enea Scala phrasant Alfredo parfois aux limites de la justesse mais avec un brio qu'il tente de tenir à flot, peu sollicité scéniquement. En fosse, le geste ample et pas toujours calibré de Paolo Carignani maintient l'Orchestre de la Suisse Romande dans une expressivité en demi-teinte, sans l'abattage dans les moments de tension et confondant souvent émouvant avec émollient.
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Grand Théâtre, Genève Le 14/06/2025 David VERDIER |
 | Nouvelle production de La Traviata de Verdi dans une mise en scène de Karin Henkel et sous la direction de Paolo Carignani au Grand Théâtre de Genève. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
La Traviata, opéra en trois actes (1853)
Livret de Francesco Maria Piave d'après La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse Romande
direction : Paolo Carignani
mise en scène : Karin Henkel
décors : Aleksandar Denić
costumes : Teresa Vergho
préparation des chœurs : Mark Biggins
Avec :
Ruzan Mantashyan (Violetta Valéry), Martina Russomanno (double chantant), Sabine Molenaar (double dansant), Enea Scala (Alfredo Germont), Luca Micheletti (Giorgio Germont), Emanuel Tomljenović (Gaston de Létorieres), Yuliia Zasimova (Flora Bervoix), Élise Bédènes (Annina), Raphaël Hardmeyer (Le Marquis d'Obigny), Mark Kurmanbayev (Le Docteur Grenvil), David Ireland (Le baron Douphol). |  |
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