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CRITIQUES DE CONCERTS |
20 juin 2025 |
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Première à l’Opéra national du Rhin de Sweeney Todd de Stephen Sondheim dans la production de Barrie Kosky, sous la direction de Bassem Akiki.
Le retour du serial barber
Coproduction de l’Opéra national du Rhin avec le Komische Oper de Berlin, le Sweeney Todd signé Barrie Kosky marque le retour attendu du chef-d’œuvre macabre de Stephen Sondheim sur une scène lyrique française. Sous des atours opératiques mais sans renier ses origines. Et avec en tête d’affiche une Natalie Dessay assumant sa mue avec une délectation communicative.
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Le retour du serial barber
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La création française de Sweeney Todd, au Châtelet, ne remonte qu’à 2011. Et si quelques maisons lyriques ont osé le reprendre depuis dans un spectacle itinérant d’Olivier Bénézech, le thriller musical de Stephen Sondheim n’avait plus été exposé aux feux de la rampe dans l’Hexagone depuis près d’une décennie.
Il convient donc de remercier Alain Perroux de rompre à nouveau le silence imposé au diabolique barbier de Fleet Street. A fortiori en grand format, soit avec le luxe en fosse de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, qui offre à l’orchestration de Jonathan Tunick ses plus belles couleurs, entraîné par le geste précis et pertinemment dramatique de Bassem Akiki, dans le même élan que des chœurs cultivant leur polyvalence avec enthousiasme. Et dans la production étrennée par Barrie Kosky au Komische Oper de Berlin en novembre dernier.
Un cadre de scène victorien, quelques photos noir et blanc d’une ville rongée par l’industrie, et le comptoir à tourtes mobile de Mrs. Lovett, surmonté de l’échoppe de Sweeney Todd, résumée à un fauteuil de barbier d’abord en lambeaux, suffisent à planter le décor. Comme à faire jaillir les situations les plus drolatiques et/ou horrifiques dans un mouvement perpétuel balançant entre farce – c’est le cas de le dire – et tragédie, pour exalter la captivante singularité d’une pièce que Sondheim lui-même qualifia, moins pour satisfaire « ces gens qui aiment les catégories » que pour brouiller encore un peu plus les pistes, de dark operetta. Avant de conclure qu’« en réalité, Sweeney Todd est un film destiné à la scène ».
Mêlant dans un savant équilibre – que permet une sonorisation sans excès de décibels – chanteurs lyriques et de comédie musicale, la distribution crève assurément l’écran. L’italianità factice d’Adolfo Pirelli se heurte certes aux défaillances de Paul Curievici sur des aigus dès lors insuffisamment fanfarons, tandis que Zachary Altman ne parvient pas à extirper son Juge Turpin physiquement saisissant d’un certain flou. Quant à l’entre-deux dont Marie Oppert peine à extraire son émission, il afflige les Green Finch and Linnet Bird de Johanna d’un vibrato hors sujet, qui ne saurait apaiser l’ardeur parfois outrée de Noah Harrison en Anthony Hope.
Absolument irrésistible est en revanche le Bedeau Bamford de Glen Cunningham dans ses « Parlor Songs », et terrible autant que bouleversante la Mendiante de Jasmine Roy, quand Cormac Diamond, qui fait semble-t-il ses débuts professionnels dans le rôle si gratifiant de Tobias Ragg, touche infiniment par sa grâce juvénile de fragile feu follet.
Scott Hendricks prête à Sweeney Todd une âme aussi torturée qu’au Macbeth de Verdi qu’il fut à la Monnaie pour Krzysztof Warlikowski en 2010, et ce même baryton un rien renfrogné. Natalie Dessay, enfin, prouve une nouvelle fois qu’elle a réussi sa reconversion désirée, et si pleinement assumée. Ou bien plutôt sa mue, tant l’instrument – ou le peu qu’il en reste, persifleront les perfides – est méconnaissable, ainsi cantonné dans le registre de poitrine. Imprégnée de sa gouaille rehaussée d’une savoureuse pointe d’accent français, comme de cette énergie aussi ébouriffée qu’ébouriffante qui n’est qu’à elle, Mrs. Lovett emporte tout sur son passage !
Prochaines représentations les 20, 22, 23 et 24 à l’Opéra de Strasbourg, puis les 5 et 6 juillet à la Filature de Mulhouse.
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 17/06/2025 Mehdi MAHDAVI |
 | Première à l’Opéra national du Rhin de Sweeney Todd de Stephen Sondheim dans la production de Barrie Kosky, sous la direction de Bassem Akiki. | Stephen Sondheim (1930-2021)
Sweeney Todd, the Demon Barber of Fleet Street, thriller musical en deux actes (1979)
Livret de Hugh Wheeler d’après la pièce de Christopher Bond
Chœur de l’Opéra national du Rhin
Orchestre philharmonique de Strasbourg
direction : Bassem Akiki
mise en scène : Barrie Kosky
décors et costumes : Katrin Lea Tag
éclairages : Olaf Freese
Avec :
Scott Hendricks (Sweeney Todd), Natalie Dessay (Mrs. Lovett), Marie Oppert (Johanna), Noah Harrison (Anthony Hope), Zachary Altman (le Juge Turpin), Glen Cunningham (le Bailli Bamford), Jasmine Roy (la Mendiante), Paul Curievici (Pirelli), Cormac Diamond (Tobias Ragg), Dominique Burns (Mr. Jonas Fogg). |  |
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