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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 juillet 2025 |
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Nouvelle production de Fidelio de Beethoven dans une mise en scène de Valentina Carrasco et sous la direction de Joseph Swensen au Grand Théâtre de Bordeaux.
Éloge de la résistance
Transposant Fidelio à Bordeaux sous l’Occupation, cette nouvelle production girondine due à la metteuse en scène argentine Valentina Carrasco célèbre la liberté au prix d’un réalisme surligné qui rend toutefois justice par son humanité citoyenne à l’universalisme beethovénien, porté par la direction activiste et sans répit de Joseph Swensen.
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Fidelio, dont le message garde plus que jamais son actualité, autorise les transgressions à la seule condition d’être fidèle à la vérité expressive et à l’idéal profondément humain que recèle l’opéra. L’Argentine Valentina Carrasco, qui a vécu dans son enfance les affres de la dictature, est plus que d’autres en mesure d’imaginer une mise en scène où l’oppression entrave le libre arbitre.
Le choix qui consiste à situer l’unique opéra de Beethoven durant l’Occupation nazie n’est pas en soi un contresens. Les références peuvent paraître excessives, mais cette production réussit avec une certaine audace à susciter une ambiance prenante. La présence de véritables prisonniers en fin de peine et actuellement en réinsertion donne un surplus de vérité, d’autant que ces condamnés évoluent dans les cages grillagées au sous-sol d’un hôtel réquisitionné où se commettent les pires atrocités – scène de torture à la baignoire par la Gestapo, coups.
Le contexte de cette époque si troublée est matérialisé par des projections sur écran – visage de Lucie Aubrac assimilé à la personnalité de Leonore, portrait de Jean Moulin, défilé sur les Champs-Élysées du général de Gaulle – prenant une valeur de reconstitution historique bien rendue par les décors de Carles Berga ou les costumes de Mauro Tinti.
La distribution contribue à donner tout son sens à cette représentation. Toujours en éveil, Jacquelyn Wagner dans le rôle-titre possède un timbre pur et lumineux légèrement limité au niveau de la projection (Abscheulicher!). Dans son cachot humide, enchaîné, Jamez McCorkle en Florestan crève l’écran et bouleverse dès son entrée dans la scène finale du deuxième acte à la limite du cri (« Gott ! Welch Dunkel hier ! »). Prestation remarquée de Thomas Dear en Don Fernando mais plus contrainte de Szymon Mechliński en Don Pizarro aux allures de Klaus Barbie.
Polina Shabunina offre de Marzelline une vision fraîche et souple bien en situation, et la basse Paul Gay dans le rôle d’un Rocco affairiste et sans morale, a pour lui l’expérience du chant et de l’emploi. Enfin, Kévin Amiel (Jaquino), parfait d’intonation, apparaît tel un jeune collabo redoutable capable de tous les outrages dans son uniforme cintré à l’image d’un personnage de Thomas Bernhard.
Sous la baguette tendue et active du chef et violoniste américain Joseph Swensen – qui assure désormais les beaux jours de la phalange bordelaise –, le sentiment d’urgence prévaut parfois à la limite du débordement ; mais comme l’écrivait Voltaire « Rien ne se fait sans un peu d’enthousiasme ». Dans ce domaine, le chef, plus habitué au répertoire symphonique qu’à la fosse, compense un déficit en matière de précision par une fièvre communicative transmise à l’Ouverture Leonore III qui sert de Finale. Le Chœur de l’Opéra de Bordeaux est partie-prenante de l’action et donne le meilleur de lui-même, ajoutant un supplément d’émotion quand le geôlier Rocco autorise les prisonniers à respirer à l’air libre. L’accueil du public sensible à l’engagement qui préside à ce spectacle est à la hauteur de l’événement.
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Grand-Théâtre, Bordeaux Le 23/05/2025 Michel LE NAOUR |
 | Nouvelle production de Fidelio de Beethoven dans une mise en scène de Valentina Carrasco et sous la direction de Joseph Swensen au Grand Théâtre de Bordeaux. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Fidelio, opéra en deux actes (1814)
Livret de Joseph Sonnleithner et Georg Friedrich Treitschke d’après le drame de Jean Nicolas Bouilly
Chœur de l’Opéra National de Bordeaux
Orchestre National Bordeaux Aquitaine
direction : Joseph Swensen
mise en scène : Valentina Carrasco
scénographie: Carles Berga
costumes : Mauro Tinti
éclairages : Antonio Castro
préparation des chœurs : Salvatore Caputo
Avec :
Jacquelyn Wagner (Leonore), Jamez McCorkle (Florestan), Szymon Mechliński (Don Pizarro), Thomas Dear (Don Fernando), Paul Gay (Rocco), Polina Shabunina (Marzelline), Kévin Amiel (Jaquino), Luc Default (Premier prisonnier), Pascal Wintzner (Second prisonnier). |  |
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