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CRITIQUES DE CONCERTS |
08 juillet 2025 |
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Reprise de L’Orfeo de Monteverdi dans la mise en scène d’Evgeny Titov, sous la direction d’Ottavio Dantone à l’Opéra de Zurich.
Les noces funèbres d’Orfeo
La reprise, à l’identique, de L’Orfeo monté par Evgeny Titov en mai 2024 à Zurich confirme le regard original porté sur les chefs-d’œuvre du théâtre lyrique par ce relatif novice en la matière. Une esthétique forte soutient en effet une approche souvent surprenante, qu’assume un excellent plateau, placé sous la direction experte d’Ottavio Dantone.
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Les noces funèbres d’Orfeo
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Un an avant cet Orfeo, Evgeny Titov montait à Strasbourg un captivant Couronnement de Poppée entre bordel et bas-fonds, qui laissait le plateau jonché de cadavres. Lorsque le rideau s’ouvre ici sur un sombre paysage rocheux conçu pour la favola in musica de Monteverdi, le regard est immanquablement attiré par le cercueil blanc dans lequel est déjà couché Eurydice, tandis qu’Orphée semble en train de creuser la tombe de son épouse.
L’inéluctable piqûre du serpent a-t-elle déjà ôté la vie à la jeune femme, et sa raison de vivre à l’amant fortuné, qui s’adresse ici au Soleil (Rosa del ciel), avant que ne surgisse la cohorte des nymphes et bergers accompagnant de leur chant le bonheur des mariés ? Maquillés de blanc, ces derniers paraissent d’ailleurs sortir tout droit, dans leurs habits d’apparat, des Noces funèbres de Tim Burton. Serait-ce donc déjà l’au-delà ? Mais voici qu’Eurydice se relève pour, quelques minutes plus tard, à nouveau succomber. Ressassement pour le malheureux survivant d’une inextinguible douleur.
Devant la porte des Enfers, la Speranza a des airs de petite fille en robe bleue, sanglotante, apeurée, comme une Alice égarée. Et quand la voix de Charon se fait entendre, sépulcrale, le mascaron qui orne le dessus-de-porte prend vie, comme un souvenir de film d’animation. Le passage enfin s’ouvre sur un grincement pour révéler un espace aseptisé, aux parois lisses d’inox, où Proserpine et Pluton sont vêtus en grand soir argenté. Mais puisqu’Orphée se retourne, il remonte seul à la surface. Et la porte se referme dans un claquement sec, pour l’éternité.
Un Apollon en costume pailleté ne suffira pas à convaincre son fils qui, revenu auprès du cercueil, dans l’obscurité totale suivant la dernière note de musique, fait entendre un retentissant coup de feu. Ce n’est pas la moindre des surprises de ce spectacle haletant, où le masque de la joie laisse souvent deviner la grimace du bonheur éphémère. La tragédie s’y teinte en effet d’ironie, pour mieux laisser, une fois la salle rallumée, abasourdi.
Les membres de la Zürcher Sing-Akademie jouent parfaitement le jeu, y compris les bras chargés de fruits géants. Plus que de Josè Maria Lo Monaco, inégalement audible en Musica et Messaggiera, il faudra se souvenir de la Speranza éloquente de Simone McIntosch, ensuite persuasive Proserpine, face au glaçant Pluton que Mirco Palazzi cumule avec Charon.
Sans doute Krystian Adam manque-t-il, quoique parfait chanteur, colorant ses notes et ses mots sur tout l’ambitus d’Orfeo – qui peut donner du fil à retordre à ceux qui ne sont pas assez franchement ténor, ou baryton, ou ni l’un ni l’autre – de cette aura que des artistes dotés d’émissions moins orthodoxes savent conférer au rôle-titre.
À la tête de La Scintilla, Ottavio Dantone est au sommet de son art. Quand tant d’autres, face à un instrumentarium profus comparé à la ligne de basse étique sous la forme de laquelle nous sont parvenus Le Retour d’Ulysse et Le Couronnement de Poppée, succombent à la tentation d’une luxuriance un peu vaine, le claveciniste et chef italien privilégie la clarté, des timbres, des contours et des contrastes, pour exalter la perfection du premier recitar cantando monteverdien.
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Opernhaus, ZĂĽrich Le 03/07/2025 Mehdi MAHDAVI |
 | Reprise de L’Orfeo de Monteverdi dans la mise en scène d’Evgeny Titov, sous la direction d’Ottavio Dantone à l’Opéra de Zurich. | Claudio Monteverdi (1567-1643)
L'Orfeo, favola in musica en un prologue et cinq actes (1607)
Livret d'Alessandro Striggio
ZĂĽrcher Sing-Akademie
Orchestra La Scintilla
direction : Ottavio Dantone
mise en scène : Evgeny Titov
reprise : Steven Whiting
décors : Chloe Lamford, avec Noemi Daboczi
costumes : Annemarie Woods
éclairages : Martin Gebhardt
vidéo : Tieni Burkhalter
Avec :
Josè Maria Lo Monaco (La Musica / La Messaggiera / Eco), Krystian Adam (Orfeo), Miriam Kutrowatz (Euridice), Isabel Pfefferkorn (Ninfa), Massimo Altieri (Pastore I), Luca Cervoni (Pastore II), Tobias Knaus (Pastore III), Yves Brühwiler (Pastore IV), Mirco Palazzi (Caronte / Plutone), Simone McIntosh (La Speranza / Proserpina), Mark Millhofer (Apollo). |  |
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