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CRITIQUES DE CONCERTS |
12 juillet 2025 |
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Nouvelle production de Don Giovanni de Mozart dans une mise en scène de Robert Icke, sous la direction de Sir Simon Rattle au Festival d'Aix-en-Provence 2025.
Aix 2025 (2) :
Scènes de la vie spectrale
Robert Icke signe à Aix une mise en scène radicale et sombre, qui explore les replis psychologiques de Don Giovanni avec une esthétique dépouillée et des images dérangeantes. Rattle conduit l’Orchestre de la Radio bavaroise avec luxe et éclat, parfois au risque de contrastes appuyés mais à la tête d’une distribution qui répond aux enjeux.

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Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
Le 06/07/2025
David VERDIER
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Aix 2025 (2) :
Scènes de la vie spectrale
Aix 2025 (1) :
Anatomie d’une oppression
Les noces funèbres d’Orfeo
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Après la production Tcherniakov de 2010, le regretté Pierre Audi a confié à Robert Icke un Don Giovanni dont les ambitions et les ambiguïtés déroutent autant qu'elles séduisent. Le Britannique présente un travail dont les lignes fortes explorent dans l'ouvrage les aspects psychologiques ainsi que la question du libertinage et de la prédation à la lumière du dérèglement intérieur du rôle-titre. La scénographie laisse d’emblée à l'écart tout l'aspect purement décoratif.
Un austère praticable sépare verticalement l'espace en deux niveaux, animés d'un système qui déplace la partie centrale alternativement d'arrière en avant. Cette économie visuelle frustre le regard d'une dimension sémantique, concentrée sur une direction d'acteurs et une multiplication symbolique relativement complexes. Des avertissements sur des « effets sonores intenses » font qu’on plonge dès l'ouverture dans une pantomime où celui qu'on identifie comme le Commandeur s’effondre, terrassé par une crise cardiaque en écoutant sur un vieux 33 tours son monologue de la scène du cimetière.
Appuyé sur la réplique de Leporello : « Qui est mort ? Vous ou le vieux ? », on comprend que le séducteur qui erre tel un spectre sanguinolent jusqu'à la conclusion est l'autre partie de ce double de lui-même dont la mort véritable interviendra lorsqu’il découvrira son reflet dans un miroir.
La question de l'odor di femmina cède le pas à l'exploration de cette psyché en chute libre, observant avec un regard distancié le défilé des corps féminins parmi lesquels se distingue la douloureuse figure incestueuse de la petite fille qu'a été Donna Elvira succombant aux assauts de celui qui est à la fois son père et son séducteur. Ajoutons la symbolique du cœur palpitant, des mains qui se frôlent et la savante incongruité des effets sonores qui déforment l'espace acoustique, avec une série de séquences vidéo qui amplifient ce cauchemar éveillé.
La distribution affronte crânement cette lecture radicale avec, dans le rôle-titre, un Andrè Schuen parfait acteur mais d'une expressivité et d'une projection sans grand relief. La Donna Anna de Golda Schultz recueille un succès mérité, tant par les nuances de la ligne que par la qualité de ses moyens, là où Magdalena Kožená court parfois après les ornements et les difficultés techniques d'une Elvira passablement hallucinée et lunatique.
Amitai Pati compose un Ottavio somme toute élégant, mais à la surface vocale parfois limitée. Le Leporello de Krzysztof Bączyk est d'une sobriété presque distante, observateur et commentateur cynique de la déchéance de son maître. Paweł Horodyski livre un Masetto sonore et phrasé là où la Zerlina de Madison Nonoa minaude ses premières interventions. Clive Bayley révèle en Commandeur un engagement remarquable.
L'Orchestre symphonique de la Radio bavaroise déploie un écrin luxueux, curieusement conduit par un Simon Rattle confondant parfois les effets avec les intentions et passant régulièrement de la mise en valeur de l'éminente beauté de l'instrument à des contrastes gratuits et des équilibres problématiques.
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Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence Le 06/07/2025 David VERDIER |
 | Nouvelle production de Don Giovanni de Mozart dans une mise en scène de Robert Icke, sous la direction de Sir Simon Rattle au Festival d'Aix-en-Provence 2025. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Don Giovanni, dramma giocoso en deux actes (1787)
Livret de Lorenzo Da Ponte
Estonian Philharmonic Chamber Choir
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
direction : Sir Simon Rattle
mise en scène : Robert Icke
décors : Hildegard Bechtler
costumes : Annemarie Woods
éclairages : James Farncombe
vidéo : Tal Yarden
son : Mathis Nitschke
préparation des chœurs : Aarne Talvik
Avec :
Andrè Schuen (Don Giovanni), Krzysztof Bączyk (Leporello), Golda Schultz (Donna Anna), Magdalena Kožená (Donna Elvira), Amitai Pati (Don Ottavio), Clive Bayley (Il Commendatore), Madison Nonoa (Zerlina), Paweł Horodyski (Masetto), Daphné Guivarch (Enfant). |  |
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