Il est venu le temps de ce dernier Concert du dimanche matin, la série lancée en 1975 par Jeanine Roze pour permettre aux jeunes artistes de se produire. Cinquante saisons, 1368 concerts et pour beaucoup, des souvenirs à la pelle. La commémoration est confiée à un fidèle, Bertrand Chamayou, chargé du programme et des invités surprise.

Avec simplicité et chaleur, le pianiste joue le rôle de Monsieur Loyal. Il y a beaucoup de prises de paroles pour rendre hommage à l’infatigable organisatrice, pour témoigner d’une communauté d’esprit, tout simplement pour remercier, l’exercice le veut. Le temps de la musique en est inévitablement réduit mais quelques moments marquent la matinée.

Au premier chef, le duo Muraro-Chamayou dans des extraits de Ma mère l’oye où la magie emplit d’une respiration ardente le TCE. Le Trio Wanderer suspend le temps avec l’Andante du Trio n° 2 de Schubert : tempo juste et phrasés nuancés viennent parfaire un exceptionnel travail sur le son. L’équilibre manque un peu aux superbes Fantasiestücke op. 73 de Schumann par Victor Julien-Laferrière et Adam Laloum, le pianiste laissant trop de prééminence au violoncelliste.

Les anciens se montrent plus ou moins en forme, c’est là aussi la loi du genre. Si Anne Queffélec expose une ligne distinguée dans le Menuet en sol mineur de Haendel, Jean-Claude Pennetier et Christian Ivaldi marchent sur des œufs dans le premier mouvement de la Sonate en sib majeur D 617. Cependant, quelle émotion de voir ces fidèles compagnons de route ! Michel Portal manque à l’appel mais le violoncelliste du Quatuor Alban Berg, Valentin Erben, a répondu présent.

Au fil des interventions, la cérémonie devient un peu figée, jusqu’à ce que paraissent François Morel et Antoine Saher. Reprenant Les chansons que je ne chante pas de Raymond Devos, les deux comparses provoquent sourires et esclaffements contagieux. La matinée s’achève avec La Baigneuse de Trouville de Poulenc transcrite par Chamayou. Un finale tout en fraîcheur d’autant que s’affichent derrière le piano les illustrations naïves dessinées en temps réel par Grégoire Pont.

Tous les participants se pressent alors sur la scène. Il faut du temps à Jeanine Roze pour accepter de venir saluer, seulement accompagnée des équipes techniques, geste délicat qui témoigne de ce qu’a pu être cette aventure collective. La saison prochaine, l’organisatrice présente encore une dizaine de soirées ainsi que deux matinées pour le jeune public. Les rendez-vous dominicaux vont certainement beaucoup manquer au public mais aussi à certains artistes.

On pense ainsi au pianiste Benjamin Grosvenor qui se retrouve sans date parisienne. Vraiment, comme vient de le chanter François Morel, « Sans Jeanine, tout s’dĂ©bine ! Â»