Le Théâtre du Jeu de Paume accueille pour cette édition 2025 du Festival d’Aix-en-Provence la création de The Story of Billy Budd, Sailor, adaptation du chef-d’œuvre de Benjamin Britten réorchestrée par Oliver Leith et mise en scène par Ted Huffman. Le premier livre une version opéra miniature avec une version à l'os qui ne fait toutefois pas le pari de réduire à un seul piano la partition de Britten.

Aux lois de l'épure se substitue un babil instrumental vaguement abstrait et fluidifié par l'intervention de synthétiseurs qui déforment les timbres et se marient à des percussions tantôt sourdes tantôt claires. Tout un univers qui fait du continuum musical un accompagnement à l'action et qu'on peine à associer à la partition d'origine tant les références sont ici diffuses.

Les interprètes se font parfois instrumentistes, évoluant sur un plateau quasi vide avec une ampoule bien solitaire au-dessus d'un praticable blanc censé représenter le pont du HMS Indomitable que commande le Capitaine Edward Fairfax Vere. Une toile descend de temps à autre en fond de scène, rappelant la voile du navire et composant avec les costumes une des rares allusions à l'univers marin. Huffman rejoue ici-même le coup d'éclat qui signait le succès public de son sobrissime Couronnement de Poppée en 2022.

Les acteurs se changent à vue, passant même pour certains d'un personnage à l'autre (Joshua Bloom en John Claggart et Dansker). Réduisant le jeu à une proximité avec le public réhaussée par une disparition de la fosse et un effectif instrumental placé à l'arrière, Huffman plonge dans l'essence d'un théâtre de tréteaux qui finit par faire perdre au drame sa dimension universelle, notamment par la focalisation sur l'aspect queer et les relations homosexuelles explicites qui enlèvent à Billy Budd sa caractéristique d'être quasi surnaturel faisant irruption dans un univers masculin et provocant à chaque apparition, à la fois un trouble et des changements d'attitudes parmi l'équipage.

La distribution est globalement bien chantante mais cède au défaut de forcer la ligne dans une acoustique aussi délicate. Ian Rucker livre un Billy Budd à la fois spirituel et charnel, avec un art de la couleur qui impose un personnage mystérieux et sensuel. La nuance du timbre de Joshua Bloom fait de son John Claggart un être presque trop subtil pour être véritablement maléfique, à l'opposé de la naïveté de son Dansker. Christopher Sokolowski signe un capitaine Vere tout en retenue et en profondeur psychologique avec, autour de lui, plusieurs seconds rôles de grande qualité, dont les vigoureux et virtuoses Thomas Chenhall, Hugo Brady et Noam Heinz.