Pour sa troisième incursion dans l'univers de Cavalli après Elena et Erismena, le Festival d'Aix-en-Provence a eu la main heureuse en osant cette Calisto à l'Archevêché et en confiant les rênes à Sébastien Daucé et la metteuse en scène Jetske Mijnssen.

Le premier a le mérite d'apprivoiser l'acoustique rebelle et venteuse en réussissant à faire sonner son ensemble Correspondances dans une belle profusion de nuances et de rythmes, qui s'équilibre parfaitement avec la scène. Le décor au regard un intérieur tapissé de hautes cloisons de bois dont le détail des décorations renvoie à un style rococo parmi lequel circulent les costumes raffinés de Hannah Clark.

De savants éclairages parachèvent la haute maîtrise de l'ensemble, livrant au regard une forme glacis et de brillance des matières qui rappellent l'univers sensible et subtil d'un Watteau en mouvement. De même, la direction d'acteurs fait oublier ces enchaînements d'entrées et sorties un brin répétitifs, par l'attention portée à l'expressivité des corps et des visages.

L'impeccable et très esthétique mise en scène de Jetske Mijnssen déplace les enjeux assez loin du théâtre de tréteaux de Wernicke à la Monnaie (1993). Ici, le livret se retrouve sur une ligne dramaturgique qui convoque Les Liaisons dangereuses, opérant des combinaisons de rôles qui relient notamment Jupiter à Valmont, Junon à Merteuil et Calisto à Cécile de Volanges.

Sur la durĂ©e, la symĂ©trie perd de sa rigueur et l'idĂ©e se change en parfum d'ensemble oĂą la chorĂ©graphie et l'inversion des genres vient au secours d'une allusion au libertinage qui se change en babil et badinage. La conclusion livre Ă  ce propos une surprise de dernière minute en forme de message adressĂ© aux prĂ©tendants sĂ©ducteurs un peu trop pressants et toxiques sur le mode « tel est pris qui croyait prendre Â».

Le plateau brille d'une majorité de jeunes interprètes qui font entendre un engagement et une énergie propres à séduire, à commencer par le Jupiter pétulant et volubile d'Alex Rosen, passant du séducteur au travesti dont la voix de tête imite le timbre de Diane. Lauranne Oliva ne cherche pas à outrepasser les contours délicats de sa Calisto, préférant à la séduction de l'instrument la douceur candide de son phrasé.

L'Endymion de Paul-Antoine Bénos-Djian et la Junon d'Anna Bonitatibus signent les deux beaux succès de cette soirée, le premier par l'élégance et le naturel incomparable d'une ligne nourrie et colorée, la seconde par l'excellence de la tenue et du souffle auxquels s'ajoute l'émotion palpable de l'épouse blessée, qui choisit de se venger non par sur son mari mais sur l'objet de son désir, avec une scène de métamorphose qui joue sur la dégradation sociale et non sur l'effet spectaculaire.

L'effectif généreux de l'ensemble Correspondances se déploie dans une fosse à ciel ouvert qui amoindrit certains reliefs mais que le geste très marqué et très rond de Sébastien Daucé finit par rendre parfaitement convaincant et en phase avec une scène dont il parvient à soutenir toutes les intentions de l'approche théâtrale et des interprètes.