Le duo à quatre mains nécessite une communion partagée entre des interprètes qui se fondent dans une même exigence de pensée. Le Geister duo, né de la rencontre de deux étudiants du CRR de Paris, répond au credo du Schubert si fidèle en amitié, toujours à l’écoute de l’autre à travers ses célèbres schubertiades où la joie de vivre l’emportait sur les affres de la vie quotidienne.

L’intégrale de la musique pour piano à quatre mains de Schubert constitue le pain quotidien de cet ensemble soudé qui vient d’ailleurs de l’enregistrer dans un coffret unanimement salué par la critique (chez MIRARE). À La Roque-d’Anthéron, le duo a choisi d’attirer l’attention, parmi les trente-cinq opus du piano à quatre mains, sur les pages essentielles que le divin Franz n’a cessé durant sa courte vie de remettre sur le métier, accédant après Mozart au Graal d’un genre si exigeant.

À l’Auditorium du Centre Marcel Pagnol, le matin et l’après-midi, sur un piano Bechstein qui ne favorise pas son jeu très contrasté faute de timbre, de couleurs et d’harmonisation, le Geister duo fait montre à la fois de panache, de vitalité et d’une homogénéité impressionnante – Fantaisie en sol majeur D 1 dans le sillage de Beethoven, Huit Variations sur un thème de la Marie de Hérold et surtout Divertissement à la hongroise D 818 composé dans le domaine de la famille Esterházy. En filigrane, quelques friandises : la Marche militaire n° 1 et n° 2, la Marche enfantine D 928 ou la Marche caractéristique n° 2, d’un entrain jubilatoire, ponctuent ce moment d’une constante musicalité.

Le soir, dans le Parc du château de Florans, le Steinway se révèle plus réactif aux intentions des deux partenaires. La sonate Grand Duo D 812, écrite peu avant la mort de l’auteur, prend une dimension orchestrale, et l’invention mélodique sans cesse modulée se renouvelle avec fièvre et liberté de ton. Le bouleversant Grand Rondo D 951 exprime toute la douleur du monde, tandis que la Fantaisie en fa mineur D 940, d’une profondeur un rien contrôlée, semble plus marquée par la lumière que par les ombres de la mélancolie.

Somme toute un triptyque où se manifeste sans cesse le plaisir d’être ensemble et de partager, laissant planer un sentiment de perfection. La nostalgie de l’Allegro en la mineur extrait de l’Allegro moderato et Andante D 968, comme la reprise de la Marche militaire n° 1, d’une espièglerie légère, concluent en bis ce florilège schubertien si abouti.