À 13 ans, Alexander Malofeev se distinguait déjà lors du prestigieux Concours international Tchaïkovski pour jeunes musiciens. Du haut de ses 23 ans, le colosse aux larges épaules qu’il est devenu est aussi un soliste qui sait imposer une vision du concerto L’Empereur débarrassé de sa gangue postromantique transmise depuis des générations. Son jeu ne craint pas d’alléger le discours avec une aisance volubile servie par des doigts arachnéens.

La légèreté de ton, le sens des contrastes (cadence de l’Allegro initial) n’interdisent pas le juste poids sans jamais charger le propos. Le mouvement lent, éloquent, ne se perd pas en conjectures mais chaque nuance colorée à l’envi rompt avec la nudité d’une écriture où la poésie le dispute à une pureté apollinienne.

Le Rondo final, souple sur le plan rythmique malgrĂ© un tempo rapide, s’élance avec virtuositĂ© dans une alliance parfaite avec l’Orchestre national Avignon-Provence, toujours Ă  l’écoute sous la baguette parfois chambriste de DĂ©bora Waldman. Deux dĂ©couvertes de MikhaĂŻl Glinka en bis pour remercier un public conquis : l’élĂ©giaque Nocturne en fa mineur dit « La SĂ©paration Â» et la dansante Mazurka en sol mineur.

On a également des yeux de Chimène pour l’Eroica en seconde partie grâce à l’engagement de musiciens concentrés dans l’Allegro con brio initial, tendus comme un fil d’Ariane dans la Marche funèbre. Une telle réalisation est le résultat d’un travail en profondeur que Débora Waldman ne cesse de peaufiner depuis sa nomination à Avignon en 2020.

Cette ancienne assistante de Kurt Masur à l’Orchestre national de France, à la battue sûre et efficace, réussit à pousser hors de ses limites une formation Mozart généreuse – la petite harmonie fait feu de tout bois dans le Scherzo et l’orchestre tout entier soulève le Finale à variations prométhéen avec une énergie qui ne se dément pas jusqu’à la coda. Un concert à marquer indéniablement d’une pierre blanche.