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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 aoűt 2025 |
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Reprise de Tristan de Wagner dans la mise en scène de Thorleifur Örn Arnarsson et sous la direction de Semyon Bychkov au Festival de Bayreuth 2025.
Bayreuth 2025 (3) :
Chaussure Ă son pied
Immenses qualités pour le Tristan de Semyon Bychkov et Thorleifur Örn Arnarsson à Bayreuth, dont une mise en scène jamais assénée et une partition savourée jusqu’au suc par un orchestre miroitant, stratifié et dramatique. Tristan échevelé d’Andreas Schager qui surplombe un plateau honnête avec un petit regret pour l’Isolde extérieure de Camilla Nylund.
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Bayreuth 2025 (3) :
Chaussure Ă son pied
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Primum non nocere
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À Bayreuth, où l’on échange toujours pendant les entractes, un spectateur nous demandait ce qui nous semblait indispensable pour un bon Tristan. Nous répondîmes qu’il suffisait de peu : peu de théâtre si l’on a la musique, et surtout une bonne Isolde – car elle a le premier acte et le mot de la fin. La production de Thorleifur Örn Arnarsson s’annonce en ce sens modèle : laissant la part belle à un imposant espace de cordages, pont abimé d’un navire dans les profondeurs duquel on va progressivement s’enfoncer, elle privilégie la scénographie sur le jeu, sans écraser le verbe ou la note.
Semyon Bychkov veille sur cette dernière, attentif de la première à la dernière au coloris, à l’équilibre, au phrasé. On a connu matière plus empoisonnée, développement plus organique, excroissances plus enchevêtrées d’un leitmotiv à partir de l’autre ; mais l’intériorité, la noirceur, parfois la féérie (début du II enluminé comme un conte) parsèment ce « monstrueux adagio » qu’est l’œuvre (Ernst Bloch) d’innombrables miroitements, de vagues amples, de reflets ténébreux.
Andreas Schager donne son tout meilleur à un Tristan inépuisable, surhumain, au timbre franc, à la diction limpide, vibrato large sans être écrasant, et qui surtout s’expose dans des nuances périlleuses, au prix d’une intonation basse mais au bénéfice d’une vulnérabilité tangible, d’une sincérité que nous ne lui avions entendue que dans les tout derniers accents d’agonie de Siegfried in loco en 2023.
Malheureusement, ses partenaires n’affichent pas exactement les mêmes qualités : court d’aigu et de grave, Günther Groissböck frôle la faconde d’un Baron Ochs, émission un peu serrée, vibrato fébrile, tandis que le Kurwenal finalement attachant de Jordan Shanahan exhibe une rondeur parfois en mal de mordant, mais construit une vraie progression vers sa mort chevaleresque.
La Brangäne d’Ekaterina Gubanova, inoxydable dans son chant et sa loyauté, est cantonnée tellement au lointain pour les appels du II que sa voix s’y noie dans les délicatesses pourtant suprêmes du chef ; l’orchestre enchanteur, touffu et transparent à la fois, y prodigue un de ces moments de musique pure où le concept d’art total prend tout son sens, au-delà des mots.
Reste l’Isolde de Camilla Nylund, timbre de magicienne, miroitant, caméléon, ici flexible, là tranchant. Saluons tout de suite la gestion du duo du II : la soprano finlandaise n’y cherche pas à rivaliser avec le Heldentenor de son partenaire, et les voix s’équilibrent par la tessiture, non par les décibels. Mais presque partout ailleurs, elle semble s’efforcer de passer. Est-elle victime de l’acoustique trompeuse de Bayreuth, où l’on peut murmurer sans être couvert, à condition de ne pas chercher à s’entendre ?
Toujours est-il qu’elle multiplie les éclats à large voix, vibrato alourdi, intonation plafonnante, jusque dans une Liebestod bien vite à gorge déployée, sans couleurs, sans goût du texte, sans retenue. Peu de théâtre, une bonne Isolde, avions-nous dit un peu vite : une Isolde musicienne et le théâtre des mots, plutôt. Avec des moyens moindres, une Waltraud Meier savait hypnotiser, questionner, harceler, émouvoir. Même Nilsson ne mettait pas la voix au premier rang pour chanter le rôle, mais « de bonnes chaussures ». Pas des gros sabots.
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Festspielhaus, Bayreuth Le 03/08/2025 Thomas COUBRONNE |
 | Reprise de Tristan de Wagner dans la mise en scène de Thorleifur Örn Arnarsson et sous la direction de Semyon Bychkov au Festival de Bayreuth 2025. | Richard Wagner (1813-1883)
Tristan und Isolde, action scénique en trois actes (1865)
Livret du compositeur
Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
direction : Semyon Bychkov
mise en scène : Thorleifur Örn Arnarsson
décors : Vytautas Narbutas
costumes : Sibylle Wallum
éclairages : Sascha Zauner
préparation des chœurs : Thomas Eitler de Lint
Avec :
Andreas Schager (Tristan), Günther Groissböck (Tristan), Camilla Nylund (Isolde), Jordan Shanahan (Kurwenal), Alexander Grassauer (Melot), Ekaterina Gubanova (Brangäne), Daniel Jenz (Ein Hirt), Lawson Anderson (Ein Steuermann), Matthew Newlin (Ein junger Seemann). |  |
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