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CRITIQUES DE CONCERTS |
25 aoűt 2025 |
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Nouvelle production de Trois sœurs d’Eötvös dans une mise en scène d’Evgeny Titov et sous la direction de Maxime Pascal au Festival de Salzbourg 2025.
Salzbourg 2025 (1) :
Trois sœurs réinventées
Peu d’opéras contemporains ont connu autant de reprises que Trois sœurs de Peter Eötvös. La nouvelle production du Festival de Salzbourg s’émancipe totalement de celle de la création de 1998, en décuplant le pouvoir dramatique de l’œuvre à la fois dans la mise en scène réaliste, très russe, d’Evgeny Titov, et dans la direction explosive de Maxime Pascal.
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Trois sœurs réinventées
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Une nouvelle fois, c’est le Manège des rochers, avec ses arcades creusées à même la roche du Mönchsberg, qui accueille la production phare de l’été du Festival de Salzbourg. Créé à Lyon en 1998, le premier opéra de Peter Eötvös (décédé l’an dernier), déconstruction-reconstruction de la pièce de Tchekhov, a connu de multiples reprises. Tout en restant très marqué par la production de la création, dans une veine intimiste tant par la mise en scène d’Ushio Amagatsu que par la direction chambriste de Kent Nagano.
C’est ni plus ni moins une nouvelle dramaturgie que propose cette production du tandem Evgeny Titov-Maxime Pascal à Salzbourg. Tournant le dos à l’épure inspirée du théâtre nô, le metteur en scène kazhakh revient au réalisme dur et impitoyable du théâtre de Tchekhov, dans une mise en scène au cordeau qui occupe parfaitement l’espace de la Felsenreitschule, couverte d’un rarissime rideau de scène pour ne pas éventer l’effet massif de son décor à l’installation des spectateurs.
L’impact de cette voie de chemin fer anéantie par les bombes renvoie à l’universel des horreurs de la guerre tout en symbolisant à merveille le rôle émancipateur du développement ferroviaire des quelques décennies précédant la création de la pièce. Avec ce panneau indiquant Moscou gisant dans les décombres, ce sont tous les rêves et espoirs de la famille Prozorov qui ont volé en éclat, et la fin des illusions des sœurs Olga, Macha et Irina et de leur frère Andreï, mal marié au dragon Natacha.
Parallèlement, Titov expose au grand jour la peur universelle du vieillissement, des ravages du temps sur le corps, couplée à une réflexion, très en avance sur son époque en 1998, sur les genres, inversés dans les tessitures – quatre contre-ténors dans des rôles féminins, une basse campant la vieille servante de la famille. Le metteur en scène exacerbe les tensions de cette action vue sous trois angles successifs avec une direction d’acteurs affûtée, qui renforce encore la lisibilité de sa narration.
Il est secondé au mieux par un Maxime Pascal réinventant la théâtralité sonore de la partition avec une puissance rare, faisant feu de tout bois à la tête des musiciens capés du Klangforum Wien, d’une échelle dynamique ahurissante pour un effectif de dix-huit instrumentistes, quand le second orchestre venant en renfort invisible est confié au compagnon de route du jeune chef, Alphonse Cemin. On a l’impression de découvrir une nouvelle œuvre, incendiaire comme jamais, plaçant le compositeur dans la descendance de Mahler (l’univers du baron allemand Touzenbach) et de Bartók.
La distribution, ô combien fervente, est absolument sans faille, les contre-ténors se fondant parfaitement au milieu des voix de femmes, avec une mention spéciale pour le baryton Jacques Imbrailo, Andreï ravagé par la malbouffe et l’alcool malgré son jeune âge, et qui dans une bouleversante scène de métamorphose physique, se dépouille d’un corps informe dans une véritable mise à nu. Triomphe ô combien mérité pour une production modèle.
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Felsenreitschule, Salzburg Le 12/08/2025 Yannick MILLON |
 | Nouvelle production de Trois sœurs d’Eötvös dans une mise en scène d’Evgeny Titov et sous la direction de Maxime Pascal au Festival de Salzbourg 2025. | Peter Eötvös (1944-2024)
Tri sestry, opéra en un prologue et trois actes (1998)
Livret de Claus H. Henneberg adapté de la pièce de Tchekhov
Klangforum Wien
direction : Maxime Pascal & Alphonse Cemin
mise en scène : Evgeny Titov
décors : Rufus Didwiszus
costumes : Emma Ryott
éclairages : Urs Schönebaum
Avec :
Dennis Orellana (Irina), Cameron Shabazi (Mascha), Aryeh Nussbaum Cohen (Olga), Kangmin Justin Kim (Natascha), Mikolaj Trąbka (Touzenbach), Ivan Ludlow (Verchinine), Jacques Imbrailo (Andreï), Andrei Valentiy (Kouliguine), Aleksander Teliga (Anfisa), Anthony Robin Schneider (Soloniy), Jörg Schneider (Docteur), Seiyoung Kim (Rodé), Kristofer Lundin (Fedotik), Eva Christine Just (Petite mère), Henry Diaz (Protopopov), Johanna Lehfeldt (Jeune fille). |  |
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