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CRITIQUES DE CONCERTS |
25 aoűt 2025 |
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Nouvelle production de Giulio Cesare de Haendel dans une mise en scène de Dmitri Tcherniakov et sous la direction d’Emmanuelle Haïm au Festival de Salzbourg 2025.
Salzbourg 2025 (3) :
Essai transformé
Absolu contrepied du travail de Barrie Kosky sur Vivaldi, la première incursion de Dmitri Tcherniakov dans l’opéra baroque aboutit à une proposition forte, riche, maladroite mais passionnante, très bien distribuée et sublimée par la direction rigoureuse d’Emmanuelle Haïm. Un spectacle aussi frustrant que stimulant, aussi imparfait que captivant.
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Salzbourg 2025 (3) :
Essai transformé
Salzbourg 2025 (2) :
Pastiche au goût du jour
Salzbourg 2025 (1) :
Trois sœurs réinventées
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Sirène d’alarme, annonce dans la salle d’état d’alerte, bunker surexposé où parviennent des nouvelles éparses de la guerre à l’extérieur, on n’en attendait pas moins du trublion Tcherniakov, qui n’a pas fait rire une certaine spectatrice, selon ses propres mots adressés à la cantonade au lever de rideau.
Si le procédé tourne un peu en rond, et permet de meubler les changements de scènes à coup de bandeaux d’informations menaçantes, il situe aussi l’action de l’opéra dans une urgence que le genre seria tend à estomper pour le spectateur moderne. Et sans surmonter partout le défi de l’aria da capo, l’évolution (même malhabile ou téléphonée) qu’y vivent les personnages se renouvelle, surprend, attise l’attention.
Creusant dans les zones d’ombre, le metteur en scène esquisse dans ce huis clos une galerie de portraits glaçante autour de l’arrivisme, de la conflictualité, de la manipulation. Le César dardé serré de Christophe Dumaux y est sans surprise le maître du monde à venir : la sûreté de son émission n’a d’égale que la connaissance du conquérant qui sait ce qu’il fait et arrivera à ses fins, capable de toutes les nuances, attachant aussi par son désespoir sec au III.
Son rival bénéficie des moyens délirants de Yuriy Mynenko, aigus extraterrestres, registres mouvementés, longue mèche sur le côté et psychopathologie avérée, laborieusement cadré par l’Achilla infatué d’Andrey Zhilikhovsky, sorte de Hagen visqueux dont le médium avalé recèle un bel aigu.
Le joli timbre d’Olga Kulchynska ne suffit pas à contrebalancer un passage un peu blanc et une alternance assez binaire de sons droits sensuels ou vibrés avec portamento, malgré un vrai traumatisme après la fausse mort de César totalement crédible ; on rêve aux échos de Bartoli in loco en 2012, à cet artisanat plus soigné, d’autant que le projecteur dramatique est braqué sur la Cornelia sans limites de Lucile Richardot.
Aux prises avec cet instrument singulier et cette technique poitrinant très haut et à grand renfort de nasalité, elle se jette à corps perdu dans la folie recherchée par le metteur en scène, bête politique, prisonnière hagarde, mère abusive, veuve éplorée juste pour la photo ; aussi odieuse que touchante, aussi caricaturale qu’authentiquement attentive au mot, elle ne laissera sans doute personne indifférent.
Elle trouve en Federico Fiorio le rejeton idéal, Sesto enfantin, espiègle et traumatisé, voix d’agnelet victimaire, présence de lutin désireux d’en découdre dansant davantage qu’il ne bouge – et délivrant les rares beaux trilles de la soirée ; tout cela dans l’écrin maîtrisé d’un Concert d’Astrée dirigé court et nerveux par une Emmanuelle Haïm aux antipodes de Capuano dans Vivaldi.
Tout ici est pulsation, phrasé bref, petit motif, scansion impitoyable avec le plateau synchronisé à merveille. C’est un bonheur d’efficacité dramatique et de simple confiance en la musique, ce qui n’empêche ni couleur ni phrasé, mais remet le tactus et le continuo au cœur du jeu. On a le sentiment d’une direction au service de la partition, ce qui est assez rare pour être souligné.
Pas de lieto fine, mais une baston généralisée avant de reprendre des forces, chacun sur ses positions, et l’explosion ultime qu’on n’attendait plus : on repassera pour la foi en l’humanité.
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