












|
 |
CRITIQUES DE CONCERTS |
25 aoűt 2025 |
 |
Création du spectacle One Morning turns into an Eternity de Peter Sellars, sous la direction d’Esa-Pekka Salonen au Festival de Salzbourg 2025.
Salzbourg 2025 (4) :
Miracle et service minimum
Au Manège des rochers de Salzbourg, pour l’étonnant diptyque Schoenberg-Mahler pensé par Peter Sellars, un miracle, celui d’un Philharmonique de Vienne transcendant sous la baguette d’Esa-Pekka Salonen, et le minimum syndical d’une mise en scène tenant de la mise en espace et d’une Aušrinė Stundytė très insuffisante vocalement dans Erwartung.
|
 |
Salzbourg 2025 (4) :
Miracle et service minimum
Salzbourg 2025 (3) :
Essai transformé
Salzbourg 2025 (2) :
Pastiche au goût du jour
[ Tous les concerts ]
|
C’est Peter Sellars lui-même qui a soumis à Esa-Pekka Salonen ce double bill inattendu faisant se succéder Erwartung et L’Adieu du Chant de la terre, reliés par les Cinq pièces pour orchestre op. 10 de Webern non prévues initialement. D’abord l’expressionnisme et l’atonalité libre du théoricien du dodécaphonisme, puis le pont idéal des miniatures cristallines du disciple, enfin l’un des plus hauts chefs-d’œuvre du modèle des Sécessionnistes viennois.
Le metteur en scène américain ne s’est pourtant pas foulé avec ce qui ressortit à une mise en espace tenant sur une petite moitié de la Felsenreitschule : la forêt hantée de Marie Pappenheim se limite à d’inélégants arbres en plexiglas, quelques gros galets de jardin zen et de petites clôtures qu’on croirait achetées au grand Obi de Salzbourg. Le tout ponctué d’éclairages surlignant les changements d’atmosphère musicaux aux limites du pléonasme.
Deux sicaires apportent à la première Femme un sac mortuaire plein du cadavre de son mari, et l’on finit par comprendre que la deuxième, qui chante Mahler, était la maîtresse de l’occis époux, même si Der Abschied parle avant tout d’amitié. En dehors de cette idée validant le rapprochement des deux œuvres, on reste proche du minimum syndical au niveau scénique.
Un sentiment éprouvé aussi face à Aušrinė Stundytė, chez qui tout le magnétisme du monde ne saurait plus cacher un instrument en lambeaux. Non seulement, on ne comprend pas un traître mot du texte mais la voix affiche un désespérant mode binaire : cris dans l’aigu, médium parlando décharné, quasi inaudible malgré les trésors de nuances de l’orchestre. Pour Sellars qui voulait convaincre le public qu’Erwartung n’est pas une pièce hirsute, c’est raté.
Rien de tel chez Fleur Barron, qui, même fragile au démarrage dans Mahler et sans réussir à contrer la persistante impression que l’œuvre n’est pas conçue pour être donnée sur une scène et chantée derrière l’orchestre, affiche homogénéité, belles nuances et ligne vocale soignée. Davantage de longueur des consonnes sur l’allemand la transcenderait sans doute.
Le vrai miracle de la soirée se trouvera donc dans la fosse, où Salonen délivre soixante-dix minutes de sortilèges d’une précision technique inouïe doublée de la souplesse légendaire mais non moins stupéfiante d’une Philharmonie de Vienne des grands soirs, à la fois chambriste et volcanique, d’une rondeur surhumaine et d’une acuité insoutenable, d’une maîtrise des silences qui font mouche tout au long d’Erwartung.
Les Webern confirment, d’une transparence, d’un fini instrumental de rêve, chaque note de harpe, chaque son des cuivres bouchés, chaque accord du célesta relevant de la haute couture. D’autant que le chef finlandais parvient à unifier les trois œuvres en plaçant Mahler dans la même veine pointilliste, avec un tempo et des changements de métrique fluides et des trésors d’orchestration percutés par le lyrisme des cordes. Sans oublier la flûte iridescente de Karl-Heinz Schütz, qui résonne, ineffable, depuis une arcade supérieure à jardin. Moment de vertige proprement inouï.
|  | |

|
Felsenreitschule, Salzburg Le 15/08/2025 Yannick MILLON |
 | Création du spectacle One Morning turns into an Eternity de Peter Sellars, sous la direction d’Esa-Pekka Salonen au Festival de Salzbourg 2025. | Arnold Schoenberg (1874-1951)
Erwartung, monodrame en cinq scènes op. 11
Aušrinė Stundytė, soprano
Anton von Webern (1883-1945)
FĂĽnf StĂĽcke fĂĽr Orchester op. 10
Gustav Mahler (1860-1911)
Der Abschied (Das Lied von der Erde)
Fleur Barron, mezzo-soprano
Wiener Philharmoniker
direction : Esa-Pekka Salonen |  |
|  |
|  |  |
|