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CRITIQUES DE CONCERTS |
03 octobre 2025 |
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Reprise d’Ariodante de Haendel dans la mise en scène de Robert Carsen, sous la direction de Raphaël Pichon à l’Opéra national de Paris.
Bonheur calédonien
La reprise d’Ariodante selon Robert Carsen est un succès sans mélange. Par ses indéniables qualités scéniques et grâce à une distribution équilibrée, qui voit notamment les jolis débuts de Cecilia Molinari dans le rôle-titre et le retour du très venimeux Polinesso de Christophe Dumaux, le tout sous la houlette attentive et inspirée de Raphaël Pichon.
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Bonheur calédonien
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Il est des productions qui s’imposent immédiatement comme des classiques de répertoire et qu’on imagine reprises de nombreuses fois sans lassitude. L’Ariodante de Haendel vu par Robert Carsen créé en 2023 appartient sans doute à cette catégorie. La transposition de l’histoire inspirée de L’Arioste au château de Balmoral devrait parler encore longtemps aux spectateurs, parce qu’elle est réalisée avec tact et stylisation et que la famille royale britannique ne semble pas vouloir quitter l’affiche médiatique.
Le soin apporté aux décors, lumières et costumes magnifie cette vision d’une Écosse placée sous le signe du tartan et du kilt. L’intrigue se fond sans peine dans ce rattachement aux soubresauts plus ou moins glorieux d’une famille harcelée par la presse à scandale. Une direction d’acteurs au cordeau explore toute la richesse des circonvolutions psychologiques des protagonistes, tout en distillant des pointes d’humour. Enfin, les ballets qui occupent une place de choix dans la partition, ne sont en rien sacrifiés, comme celui du II transformé en cauchemar de la malheureuse Ginevra ou celui du I figurant le mythique bal des Ghillies donné encore chaque année au château.
Une distribution presque entièrement renouvelée s’intègre avec talent dans ce cadre d’exception. Pour ses débuts in loco, Cecilia Molinari livre un Ariodante d’une belle intensité. La mezzo italienne incarne le jeune chevalier avec naturel et émotion. La voix, d’un volume peut-être limité, offre une remarquable homogénéité sur la tessiture et se montre prodigue de nuances dans ses da capo. Si dans Doppo notte, elle n’efface pas le souvenir d’Emily Angelo, elle habite comme peu le désespoir sans fond de Scherza infida.
À ses côtés, en Ginevra, Jacquelyn Stucker révèle un tempérament de feu une fois que son personnage se trouve calomnié. Sabine Devieilhe use avec finesse de sa pyrotechnie pour une Dalinda très fouillée. Chez les hommes, Christophe Dumaux reprend son extraordinaire Polinesso, plus dangereux que jamais. Ru Charlesworth, qui avait participé à la reprise d’Alcina en 2021, confirme avec Lurciano son aisance à jouer des registres expressifs sans jamais perdre la ligne. Luca Tittoto fait un digne roi d’Écosse tout en intégrant le deuxième degré assez irrésistible voulu par Carsen. Enfin, Enrico Casari refait son impeccable Odoardo.
Succédant à Harry Bicket et à l’English Concert, Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion livrent une interprétation non moins musicale mais sans doute plus contrastée de l’opéra. Avec un effectif un peu plus généreux, le chef français sculpte davantage les ressorts dramatiques. En ce jour de première (les deux précédentes représentations ont été annulées), il lui faut un acte pour trouver l’équilibre parfait avec le plateau, après quoi Pichon et ses musiciens se révèlent des haendéliens d’exception, renouvelant le discours avec bonheur sans en altérer le style, sondant les situations dramatiques et communiquant pour finir une joie contagieuse.
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Palais Garnier, Paris Le 21/09/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | Reprise d’Ariodante de Haendel dans la mise en scène de Robert Carsen, sous la direction de Raphaël Pichon à l’Opéra national de Paris. | Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Ariodante, opera-seria en trois actes (1735)
Livret anonyme, adapté de Ginevra, principessa di Scozia d’Antonio Calvi
Chœurs de l’Opéra national de Paris
Pygmalion
direction : Raphaël Pichon
mise en scène : Robert Carsen
décors : Robert Carsen et Luis F. Carvalho
costumes : Luis F. Carvalho
éclairages : Robert Carsen & Peter Van Praet
chorégraphie : Nicolas Paul
préparation des chœurs : Alessandro Di Stefano
Avec :
Cecilia Molinari (Ariodante), Jacquelyn Stucker (Ginevra), Christophe Dumaux (Polinesso), Sabine Devieilhe (Dalinda), Luca Tittoto (Il re di Scozia), Ru Charlesworth (Lurciano), Enrico Casari (Odoardo). |  |
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