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| CRITIQUES DE CONCERTS |
07 décembre 2025 |
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Concert du Quatuor Modigliani à l’Auditorium de la Maison de la Radio, Paris.
Révolution viennoise
En présentant deux quatuors composés durant l’année 1799, les Modigliani soulignent l’avantage de la liberté expressive du jeune Beethoven face à la maîtrise du vieil Haydn plus que la transmission d’un savoir-faire. Les quatre musiciens offrent ensuite un jeu admirable d’équilibre et de lyrisme qui unifie et magnifie le deuxième des Quatuors Razumovsky.
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Vienne, 1799. L’année où Haydn livre son dernier quatuor alors que Beethoven termine ses premières pièces en ce domaine. Le début de programme des Modigliani s’attache à cette année pivot. Le Quatuor en fa majeur du maître de l’école viennoise cache sa complexité derrière un discours linéaire. Les Modigliani l’abordent avec une délicate virtuosité qui se caractérise par une projection sonore réduite, une réserve expressive qui ne s’apparente pourtant en rien à de la fragilité même s’il faut parfois tendre l’oreille pour en percevoir les subtilités.
Les deux violons rivalisent de finesse dans les deux premiers mouvements pris dans des tempos très allants. L’effet produit évoque une exquise marqueterie sonore. Le dialogue violon I-violoncelle de l’Andante s’intègre harmonieusement à l’ensemble. Un goût exquis rendant les reprises non différenciées à l’instar des développements du dernier mouvement, plus circulaires que jamais.
Chez Beethoven en 1799, les Modigliani ont choisi de présenter le Quatuor en ut mineur op. 18 n° 4. Dédié comme celui de son vieux maitre au prince Lobkowitz, patron incontesté de l’époque, ce quatuor semble lui aussi avoir été écrit d’une traite sans rature aucune, considéré par les musicologues comme une sorte de récapitulatif des règles alors en vigueur. La lecture qu’en présentent les Modigliani souligne la distinction plus que la révérence supposée à ses modèles.
D’abord parce que les musiciens font entendre immédiatement une tout autre projection et présence qui installent un discours proche de l’apostrophe malgré son équilibre général. Certes, l’ensemble reste comme chez Haydn sous la houlette du premier violon, mais ici Amaury Coeytaux s’autorise une forte liberté expressive. Et plus encore, il dialogue à armes égales avec ses trois complices qui font sonner l’écriture beethovénienne comme une jouvence irrépressible après le classicisme chevillé de Haydn.
Après l’entracte, les comparaisons ne sont plus vraiment de mise et le Quatuor en mi mineur op. 59 n° 2 composé en 1806 s’apprécie pour ce qu’il est, une pièce emplie d’interrogations méditatives. Les Modigliani s’y montrent prodigues en couleurs tout en veillant à une superbe rigueur rythmique. Les équilibres touchent au sublime dans le Molto adagio où chacun trouve une voix personnelle sans sortir de la conduite générale admirable.
Les deux derniers mouvements, moins mélodiques, ne forment pas de rupture. Les Modigliani parviennent à insuffler un lyrisme prégnant aux aspects les plus rustiques du Trio ainsi qu’aux saillies étourdissantes du Finale. En bis, l’Adagio du Quatuor op. 18 n° 1 de Beethoven est la plus belle déploration qui soit, juste hommage au violoncelliste Roland Pidoux disparu il y a quelques jours.
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Auditorium de la Maison de la Radio, Paris Le 23/09/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | | Concert du Quatuor Modigliani à l’Auditorium de la Maison de la Radio, Paris. | Joseph Haydn (1732-1809)
(1799)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Quatuor à cordes en ut mineur, op. 18 n° 4 (1799)
Quatuor à cordes en mi mineur, op. 59 n° 2 (1806)
Quatuor Modigliani
Amaury Coeytaux, violon I
LoĂŻc Rio, violon II
Laurent Marfaing, alto
François Kieffer, violoncelle |  |
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