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| CRITIQUES DE CONCERTS |
07 décembre 2025 |
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Hommage à Marie Jaëll au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris.
Tempérament de feu
La présentation des quatre œuvres chambristes de Marie Jaëll au programme de la nouvelle parution discographique de La Boîte à Pépites illustre le torrent dévastateur dont parlait Saint-Saëns au sujet de la musicienne. Ce flot trouve sa meilleure expression dans une tumultueuse Ballade pour piano et violon magnifiquement portée par Célia Oneto Bensaïd et Manon Galy.
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Après Charlotte Sohy, Jeanne Leleu, Rita Strohl ou Liza Lehmann, la Cité des compositrices et son label La Boîte à Pépites s’attaquent cette fois à une musicienne déjà sortie des oubliettes et dont on fête le centenaire de la mort. Marie Jaëll était certes célèbre comme pédagogue pour son ouvrage pianistique Le toucher (1899), mais cela fait une vingtaine d’années que l’exploration de ses compositions a débuté.
Le disque dont le programme est repris ce soir à l’occasion de sa sortie vient opportunément compléter une discographie assez chiche jusque-là en musique de chambre, dont nous ne connaissions que le Quatuor en sol mineur et une Sonate pour violoncelle et piano. Quatre œuvres supplémentaires reprennent vie à présent.
La Romance pour violon existe sous deux formes, avec accompagnement d’orchestre ou avec piano. À l’écoute, la version chambriste sonne comme une réduction pas toujours habile tant l’accompagnement semble épars malgré tout le talent de Célia Oneto Bensaïd. On goûte les qualités du partenariat de la pianiste avec l’excellente violoniste Manon Galy dans la pièce suivante, la Ballade pour piano et violon.
À égalité, les deux musiciennes servent avec feu une partition à l’inspiration captivante. Dans la tradition des ballades romantiques, l’œuvre se montre linéaire et très vocale et enchaîne les humeurs les plus variées. Certains passages rappellent Liszt que Jaëll admirait tant, mais la compositrice fait entendre une voix personnelle. Ici, son art mélodique empreint d’inquiétudes chromatiques et rythmiques surprend pendant une douzaine de minutes qui passent en un instant.
L’inspiration régit aussi le Trio avec piano de manière plus légère. Sans doute son titre, Dans un rêve, appelle-t-il une forme plus élusive. Ses quatre courts mouvements ne dépassent pas cependant l’impression de vignettes permettant de mesurer l’égalité et la délicatesse du jeu du violon et du piano, rejoints par le violoncelle discrètement lyrique d’Héloïse Luzzati. Retour à une expression vigoureuse avec la dernière pièce, le juvénile Quatuor avec piano.
Avec le concours de Léa Henning à l’alto, les musiciennes empoignent cette vaste œuvre de jeunesse. La partition se déploie de manière classique sur quatre mouvements. Des thèmes puissants régissent l’Allegro initial où chacune peut faire preuve d’une belle éloquence. L’Andante n’offre pas les mêmes qualités compositionnelles, comme si la forme sonate bridait le discours.
Après un Allegro scherzando gentiment enlevé, le Vivace con brio final tourne un peu en rond mais l’engagement généreux de notre bande des quatre compense. En bis, le dernier mouvement du Quatuor avec piano (1922) de Jeanne Leleu, cadette de plus de cinquante ans de Jaëll, rappelle si besoin était la pertinence et le flair de l’équipe d’Héloïse Luzzati.
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Théâtre des Bouffes du Nord, Paris Le 06/10/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | | Hommage à Marie Jaëll au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris. | Marie Jaëll (1846-1925)
Romance pour violon et piano en mi majeur (1882)
Ballade pour piano et violon (1886)
Dans un rĂŞve, pour violon, violoncelle et piano (c. 1881)
Quatuor avec piano en sol mineur (1875)
Manon Galy, violon
Léa Hennino, alto
Héloïse Luzzati, violoncelle
Célia Oneto Bensaïd, piano |  |
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