Thierry Escaich nourrit son inspiration de mille références. Ses Arising Dances qui viennent de connaître leur création française lors de la première présentation de ce programme et sont reprises ce dimanche après-midi, corroborent cette constatation. Le compositeur a ici voulu faire entendre trois danses qu’il assimile à trois personnages de roman évoluant ensemble. Pour ce faire, il mélange comme à son habitude les genres musicaux : valse, baroque, musique religieuse, disco ; il pratique des jeux de lumière et de couleur qu’il compare à une toile de Turner ; le tout en ménageant sur une douzaine de minutes une progression savante et efficace.

Les musiciens du Philharmonique de Radio France et leur directeur musical désigné Jaap van Zweden font leur miel d’une orchestration exceptionnelle où la puissance expressive du grand orchestre ne sonne jamais de manière gratuite. La dernière danse évoque irrésistiblement le Mambo de Bernstein, quelque peu alourdi par une écriture polyphonique en diable. Cette œuvre avec ses réminiscences éminemment ravéliennes dans la valse initiale fait aussi une bonne préparation à la pièce suivante, le Concerto en sol majeur.

La légèreté du toucher de la soliste, Alice Sara Ott, y impose une lecture subtile, entre jeux et rêverie. À ses côtés, l’orchestre fait entendre une grammaire idiomatique et savoureuse sous la direction rigoureuse de Van Zweden cherchant autant se faire se peut à ne pas couvrir la soliste souvent évanescente mais jamais indifférente. En bis, une Gymnopédie n° 1 de Satie tout en dépouillement.

Jaap van Zweden semble ensuite vouloir pousser les murs de l’Auditorium : Montaigu et Capulet, le premier des neuf numéros qu’il a choisis parmi les suites du Roméo et Juliette de Prokofiev, les fait presque trembler. Les musiciens font littéralement corps avec leur chef produisant un son dense saturé de couleurs. Chacune des pièces apparaît caractérisée, pour le meilleur en ce qui concerne des Masques à l’ironie incisive.

Le chef néerlandais ne résiste pas à forcer parfois le trait, comme des appuis particulièrement lourds dans le Menuet. Il étire certaines phrases, en précipite d’autres, d’où une expressivité constante, pas toujours renouvelée, comme dans Roméo au tombeau de Juliette et plus encore dans une Mort de Tybalt certes très impressionnante mais où il vide sa cartouchière trop tôt.

L’ensemble ne manque pas pour autant de séduction, notamment grâce à de merveilleux solos jamais contraints. Bis qu’on imagine préparé pour la tournée, la Danse slave n° 8 op. 46 de Dvořák éclate à la manière d’un bastringue outrancier, rappelant que l’engagement ne tient pas lieu de style.