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| CRITIQUES DE CONCERTS |
11 novembre 2025 |
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Nouvelle production de La Damnation de Faust de Berlioz dans une mise en scène de Silvia Costa et sous la direction de Jakob Lehmann au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Damnée damnation
Plus que les images mentales tissées par Silvia Costa, vite enfermées dans leur propre dispositif, c’est l’élan vibrant de Jakob Lehmann qui donne à Berlioz son souffle et sa fièvre au Théâtre des Champs-Élysées. Et un plateau dominé par Benjamin Bernheim et l’éclat incandescent de Victoria Karkacheva confirme que la musique a sauvé la soirée.

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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 03/11/2025
David VERDIER
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L’écume sans la vague
Damnée damnation
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Ouvrir une saison avec La Damnation de Faust relevait du pari, voire du manifeste. Le Théâtre des Champs-Élysées confiait l'ouvrage à Silvia Costa, figure venue d'un théâtre visuel conceptuel, et misait sur Les Siècles en formation d'époque, sous la direction du jeune Jakob Lehmann. Le message était clair : bousculer le confort du répertoire, proposer un Berlioz affûté stylistiquement, et marquer d'emblée la résidence de l'orchestre. L'affiche ajoutait un motif d'attente avec Benjamin Bernheim dans un rôle que beaucoup rêvaient pour lui, aux côtés de Victoria Karkacheva et Christian Van Horn.
Costa choisit de plonger l'œuvre dans la tête de Faust, comme si tout se déroulait dans un rêve fiévreux. Toute la première partie se situe dans sa chambre : lit défait, jouets, plantes en plastique, albums de photos, et une armée de peluches sous lesquelles il étouffe. Le symbole est lisible : une enfance refuge, protectrice, mais devenue prison psychique. L'image frappe d'abord, puis se répète, se fige, et finit par limiter l’imaginaire. Tout se passe dans ce décor unique, qui gomme la diversité des tableaux. Marguerite surgit comme un fantôme au bord du lit ; présence plus conceptuelle qu'incarnée, émotion bridée.
Le changement à l'entracte surprend et réveille la salle : l'orchestre quitte la fosse pour envahir le plateau, transformé en tribunal fantastique. Musiciens en robes noires, balance centrale, chœurs répartis comme une assemblée jugeante : l'idée est forte, presque cérémonielle. Mais elle ne s'enrichit guère ensuite. Le symbole prend le dessus sur le théâtre, les scènes manquent de chair. Le Méphisto en bleu de travail et béret prête à sourire autant qu'il interroge, sans que le spectacle ne lui donne de véritable sens. Beaucoup de signes, peu de scène.
Le Chœur et la Maîtrise de Radio France signent une prestation homogène, précise, engagée. Benjamin Bernheim livre un Faust noble, stylé, projeté, mais pas encore totalement habité – soirée de rodage, alchimie scénique fragile. Victoria Karkacheva séduit par un timbre somptueux et un D'amour l'ardente flamme vibrant, malgré une diction inégale. Christian Van Horn campe un Méphisto théâtral et roué, moins venimeux qu'attendu. Thomas Dolié marque son passage en Brander avec brio. Aux saluts, contraste net : musique ovationnée, mise en scène huée. Une Damnation tirée vers le haut par le pupitre, freinée par le plateau. Berlioz exige fièvre et vertige ; ce soir, ils venaient surtout de la fosse.
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