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| CRITIQUES DE CONCERTS |
14 novembre 2025 |
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Nouvelle production d’Otello de Verdi dans une mise en scène de Ted Huffman et sous la direction de Speranza Scappucci à l’Opéra national du Rhin, Strasbourg.
Otello par la seule musique
L'avant-dernier ouvrage lyrique de Verdi fait son retour à l'Opéra du Rhin après quarante-sept années d'absence : la nouvelle production confiée à Ted Huffman joue la carte de l'épure stylisée, loin d’une note d’intention ambitieuse, et vaut surtout pour la force de conviction de son interprétation musicale, et notamment de la direction de Speranza Scappucci.
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Otello par la seule musique
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Parmi les ouvrages emblématiques de Verdi, Otello fait figure de diamant noir, tant le renouvellement stylistique opéré au soir de sa vie, à 74 ans, surprit ses contemporains : tout amoureux du répertoire symphonique ne pourra aujourd’hui que se délecter des phrasés mouvants et sinueux du maître de Roncole, qui montrent là toute sa science de l’harmonie et des couleurs, volontairement sombres.
La cheffe italienne Speranza Scappucci se saisit d’emblée des incessantes variations d’atmosphère, en embrassant d’une vitalité rageuse les parties verticales, à même de faire ressortir en contraste les parties plus intimistes, délicatement ouvragées dans les nuances. C’est là un travail d’orfèvre à saluer, qui montre la hauteur de vue de l’interprète.
L’autre grand motif de satisfaction revient au plateau réuni, dominé par une Adriana González inouïe de facilité sur toute la tessiture, faisant vivre Desdémone, l’épouse injustement outragée, d’une vérité théâtrale sans ostentation. À ses côtés, Mikheil Sheshaberidze s’impose en Otello grâce à ses phrasés aériens et sa présence animale, même si l’émission étroite en voix de tête manque de séduction et de couleurs.
On aime plus encore le Iago vénéneux de Daniel Miroslaw, dont la morgue et la rugosité fascinent par leur noirceur habitée. Aux côtés de seconds rôles de bonne tenue, les chœurs réunis de l’Opéra national du Rhin et de l'Opéra national de Lorraine triomphent entre précision des attaques et engagement scénique.
La mise en scène trop discrète de Ted Huffman ne se situe malheureusement pas au même niveau d’inspiration, ce qui est d’autant plus surprenant à la lecture de la note d’intention scénique, autrement ambitieuse. On serait bien en mal de trouver une illustration visuelle à la dénonciation voulue du racisme et de la misogynie, tant l’épure scénique se contente de plonger les interprètes en une sorte de huis-clos passionnel.
On regrette également que l’arrière-plan politique soit lissé (jusque dans la nécessaire différenciation sociale des costumes) : le coup de théâtre du remplacement d’Otello par Cassio en tant que général tombe ainsi à plat, alors qu’il donne à Otello de nouvelles raisons de détester son ancien lieutenant, bien au-delà de sa jalousie dévorante. Dommage.
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 06/11/2025 Florent COUDEYRAT |
 | | Nouvelle production d’Otello de Verdi dans une mise en scène de Ted Huffman et sous la direction de Speranza Scappucci à l’Opéra national du Rhin, Strasbourg. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Otello, opéra en quatre actes (1887)
Livret d’Arrigo Boito
Chœur de l’Opéra national du Rhin
Chœur de l'Opéra national de Lorraine
Orchestre philharmonique de Strasbourg
direction : Speranza Scappucci
mise en scène & décors : Ted Huffman
costumes : Astrid Klein
éclairages : Bertrand Couderc
préparation des chœurs : Hendrik Haas
Avec : Mikheil Sheshaberidze (Otello), Adriana González (Desdemona), Daniel Miroslaw (Iago), Joel Prieto (Cassio), Brigitta Listra (Emilia), Massimo Frigato (Roderigo), Jasurbek Khaydarov (Ludovico), Thomas Chenhall (Montano). |  |
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