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| CRITIQUES DE CONCERTS |
19 novembre 2025 |
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Nouvelle production de La Walkyrie de Wagner dans une mise en scène de Calixto Bieito et sous la direction de Pablo Heras-Casado à l’Opéra national de Paris.
La Walkyrie enfumée
Après la déception de L’Or du Rhin, Calixto Bieito avait encore droit au bénéfice du doute. Ce n’est plus vraiment le cas après avoir subi les errements de sa Walkyrie. Si la direction musicale en dents de scie de Pablo Heras-Casado peine à tenir en haleine, la Brünnhilde de Tamara Wilson est en revanche bien engagée sur la voie de l’exploit.
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La première journée de ce nouveau Ring de l’Opéra de Paris ne dissipe ni les craintes, ni la perplexité provoquées par le Prologue présenté l’hiver dernier. Désormais soumis à une incapacité chronique à se renouveler, Calixto Bieito tire de façon presque mécanique le fil d’une dramaturgie prévisible, soit « grandeurs et misères du Big Data dans un monde post-apocalyptique », où l’air est devenu si irrespirable que le masque à gaz et la bouteille d’oxygène y sont de rigueur.
Sieglinde est couverte d’ecchymoses – son mari, qui se rêve en Führer, la bat –, et enceinte jusqu’aux dents dès le II ; Siegmund tire Nothung d’on ne sait où, ou peut-être de la plaie béante qui lui rougit l’abdomen ; Fricka se contorsionne, maîtresse femme peroxydée et surliftée, tandis que Wotan ne quitte jamais sa robe de chambre. Quant à la malheureuse Brünnhilde, elle passe brutalement de la petite fille en robe montée sur un cheval bâton à l’adulte patibulaire en débardeur et pantalon de combat noirs.
Si la dislocation, après la chevauchée, du décor jusqu’alors frontal de Rebecca Ringst révèle enfin son potentiel architectural, le déballage et l’alignement par Wotan d’un stock de masques à gaz tend à parasiter l’ultime confrontation père-fille. Voilà qui, parsemé d’idées saugrenues et conclu dans un nuage de fumée, n’augure rien de bon pour la suite.
D’autant que Pablo Heras-Casado peine cette fois à endiguer l’indigence théâtrale. Le I manque ainsi désespérément de nerf et de consistance. Plus palpable au II, et même continue, la tension retombe ensuite – à cause d’une disposition atténuant la portée des huit Walkyries –, pour devenir au mieux intermittente. Sans que compensent ni les beautés de la sonorité orchestrale, ni les vaillants éclats d’un plateau qui tient moins sans doute qu’il n’était censé promettre.
L’indisposition prolongée d’Iain Paterson – qu’il faudrait peut-être d’ores et déjà songer à remplacer dans Siegfried en janvier prochain – surexpose, dans le sillage paraît-il glorieux de Christopher Maltman, sauveur des deux premières, le Wotan probe mais insuffisamment projeté pour Bastille de James Rutherford.
Il est de bon ton de s’extasier devant Stanislas de Barbeyrac, premier Siegmund français depuis des lustres. Il n’empêche que, malgré la séduction ombrée d’un timbre encore juvénile et l’animation du phrasé, le ténor n’a pas résolu le problème du passage, ce qui limite l’impact du haut, pourtant plafonné, de la tessiture, et ne pourra que l’empêcher d’aller plus loin, Parsifal excepté, sur la voie wagnérienne dans laquelle il est désormais engagé.
À l’inverse, les trois principales dames ont en commun la clarté du registre supérieur. De façon un peu univoque pour Eve-Maud Hubeaux, Fricka dont le relief tient au seul tempérament. Souffre-douleur de la mise en scène, la Sieglinde d’Elza van d’en Heever irradie dès qu’elle atteint les cimes, assez peu avant le II, donc. Tamara Wilson, enfin, est d’une fraîcheur, d’une facilité – aussi inouïe que jouissive dans ses appels initiaux –, d’une endurance et d’une plasticité dynamique qui rendent impatient de retrouver sa Brünnhilde au réveil.
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Opéra Bastille, Paris Le 18/11/2025 Mehdi MAHDAVI |
 | | Nouvelle production de La Walkyrie de Wagner dans une mise en scène de Calixto Bieito et sous la direction de Pablo Heras-Casado à l’Opéra national de Paris. | Richard Wagner (1813-1883)
Die Walküre, première journée du festival scénique Der Ring des Nibelungen (1870)
Livret du compositeur
Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Pablo Heras-Casado
mise en scène : Calixto Bieito
décors : Rebecca Ringst
costumes : Ingo Krügler
éclairages : Michael Bauer
vidéo : Sarah Derendinger
Avec :
Stanislas de Barbeyrac (Siegmund), Günther Groissböck (Hunding), James Rutherford (Wotan), Elza van den Heever (Sieglinde), Tamara Wilson (Brünnhilde), Ève-Maud Hubeaux (Fricka), Louise Foor (Gerhilde), Laura Wilde (Ortlinde), Marie-Andrée Bouchard-Lesieur (Waltraute), Katharina Magiera (Schwertleite), Jessica Fadela (Helmwige), Ida Aldrian (Siegrune), Marvic Monreal (Grimgerde), Marie-Luise Dreßen (Rossweisse). |  |
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