












|
 |
| CRITIQUES DE CONCERTS |
19 novembre 2025 |
 |
Récital des pianistes Martha Argerich et Nelson Goerner dans le cadre de Piano**** à la Philharmonie de Paris.
Magies enfantines
Dans le cadre de Piano****, Martha Argerich et Nelson Goerner offrent un récital mémorable où le Beethoven de la Grande Fugue et le Ravel vertigineux de La Valse encadrent des compositions destinées aux enfants et célébrant l’esprit d’émerveillement. Sans verser dans l’ostentation, la complicité des interprètes porte au sommet la poésie de Ma mère l’oye.
|
 |
La Walkyrie enfumée
Magies enfantines
Otello par la seule musique
[ Tous les concerts ]
|
|
La soirée se veut un hommage à Maurizio Pollini, en lequel André Furno, fondateur de Piano****, a cru dès 1971 en le produisant au TCE. Des débuts timides devant 600 spectateurs, qui préludaient à une collaboration parisienne prodigue : plus de 85 concerts au fil de 37 années. Ce soir, le programme de salle d’une centaine de pages célèbre cette aventure, mais on ne perçoit pas de lien entre le regretté Italien et les interprètes choisis ou les œuvres proposées. Qu’importe. L’occasion d’entendre Martha Argerich et Nelson Goerner ensemble se suffit à elle-même.
Les deux Argentins attaquent par l'incommensurable Grande Fugue de Beethoven. La transcription réalisée par le compositeur à la demande de son éditeur est ici jouée à deux pianos. Argerich et Goerner imposent un dialogue ardent, où la complexité de l’écriture s’efface devant une clarté souveraine. L’intensité dramatique, le sens de la construction, la tension permanente, tout y est, sans heurt ni sécheresse. Avec cette écoute réciproque d’une rare acuité, chaque reprise de sujet s’inscrit dans une dynamique vivante, et la tension se résout dans la lumière.
Goerner rejoint sa compatriote pour une œuvre nettement plus intime, la Sonate à quatre mains en ut majeur de Mozart. À lui l’agilité des lignes supérieures, à elle le médium et le bas du registre pour un dialogue léger mais jamais superficiel, d’une rare connivence dans le premier mouvement. Le mélancolique Andante s’étend avec subtilité avant que la boîte à musique de l’Allegretto final en rondo ne pétarade avec un humour partagé.
La facétie se mêle de sarcasmes et de gravité après l’entracte, avec le Concertino pour deux pianos de Chostakovitch. Cette pièce divertissante écrite à destination du fils du compositeur (un enregistrement réunissant père et fils existe) joue sur les contrastes. Argerich et Goerner prennent un plaisir communicatif à s’en emparer avant de terminer sur une pirouette.
Le sommet émotionnel du récital arrive ensuite avec Ma mère l’oye de Ravel. Les doigts magiciens des deux pianistes côte à côte produisent ce qui relève de l’alchimie la plus mystérieuse : l’impression qu’ils s’adressent directement à chacun des 2500 spectateurs (des chaises ont été rajoutées sur scène) pour partager l’émerveillement de ces contes et légendes. À l’exception de la virevoltante Laideronnette, la lenteur assumée des pièces permet ici l’épanouissement des timbres dans des effluves enivrants et conduit à la poésie la plus indicible.
La Valse conclut avec panache le programme sans jamais se départir d’une élégance féline. En réponse au public debout, les deux complices offrent d’abord En bateau extrait de la Petite suite de Debussy puis un retour à Mozart avec le final de la Sonate pour piano à quatre mains en ré majeur K. 381.
|  | |

|
Philharmonie, Paris Le 10/11/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | | Récital des pianistes Martha Argerich et Nelson Goerner dans le cadre de Piano**** à la Philharmonie de Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Grande Fugue pour deux pianos, op. 134 (1825)
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate en ut majeur pour piano Ă quatre mains, K. 521 (1787)
Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
Concertino pour deux pianos, op. 94 (1953)
Maurice Ravel (1875-1937)
Ma mère l’oye, pour quatre mains (1910)
La Valse, pour deux pianos (1920)
Martha Argerich, piano
Nelson Goerner, piano |  |
|  |
|  |  |
|