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| CRITIQUES DE CONCERTS |
25 novembre 2025 |
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Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Esa-Pekka Salonen, avec le concours de la pianiste Yuja Wang à la Philharmonie de Paris.
Les enchaînements du désir
Ce premier concert de saison, à la Philharmonie de Paris, du prochain directeur musical de l’Orchestre de Paris, Esa-Pekka Salonen, permet de retrouver un chef qui fait danser la musique. Avec Yuja Wang pour un Concerto pour piano n° 2 de Prokofiev voluptueux et dans un couplage Wagner-Scriabine portant au sommet l’extase amoureuse.
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Du plus haut du fond de la salle Pierre Boulez retentissent les premières notes du Prélude de la Partita n° 3 pour violon seul de Bach interprété par la jeune Iris Scialom sous les feux des projecteurs. À peine a-t-elle terminé que Salonen donne le signal du départ à ses musiciens pour sa pièce FOG, un hommage à l’architecte Frank Gehry, auteur notamment du Walt Disney Concert Hall de Los Angeles.
Le début donne l’impression que le motif de Bach tourne au ralenti dans un halo étrange qui se dissipe progressivement, l’ensemble gardant au fur et à mesure du développement du contrepoint orchestral l’effet du scintillement de gouttes d’eau mêlées à de la vapeur. Dix minutes de joli divertissement finalement non sans rapport avec le Disney de la salle construite par le dédicataire. Même si le thème annoncé de la soirée est celui de l’extase, celle-ci se poursuit dans un autre registre.
De prime abord, le Deuxième Concerto de Prokofiev ne semble pas tout à fait réponde à cette thématique. C’était sans compter sur Yuja Wang et Salonen qui en livrent une interprétation loin des clichés associant l’œuvre aux machines industrielles infernales. Orchestre et soliste s’accordent dans un Andantino hypnotique : nous voici dans le monde des rêves. Jamais percussive, Wang colore de teintes envoûtantes l’intimidante cadence qui se révèle plus fantastique que jamais. Lorsque l’orchestre rejoint le piano, le songe devient vertige et les musiciens de l’Orchestre de Paris rejoignent la soliste dans un jaillissement de couleurs pourpres et rougeoyantes.
Les autres mouvements développent ce qui s’apparente à une chorégraphie du songe entre traits de virtuosités fantastiques (et parfois effrayants) et jeux de cache-cache savoureux. On comprend enfin pourquoi Serge Diaghilev avait essayé de convaincre le compositeur d’en faire un ballet. Trois bis ne font pas baisser la température. La Chinoise commence par enchaîner Marguerite au rouet de Schubert/Liszt et la Danse des esprits bienheureux de Gluck/Sgambati, pour finir avec la Romance sans parole op. 67 n° 2 de Mendelssohn.
Tout repart des origines après l’entracte avec Prélude et mort d’Isolde de Wagner. Ne contraignant jamais ses musiciens, Salonen laisse la musique se déployer avec un naturel confondant. Derrière cela, il y a une gestion d’une précision infernale des dynamiques, dont les coutures restent parfaitement invisibles au profit d’une lumière toujours plus grande, irradiante même.
Mais alors que la musique s’évanouit, le chef fait se prolonger l’accord de si majeur final et enchaîne sur la pièce suivante, le Poème de l’extase de Scriabine. Là aussi le discours s’élève, s’emballe et se replie, se love et se tend avec une fluidité à l’image de la gestique du chef. Le raffinement des couleurs ensorcèle et l’orgie dynamique emporte tout.
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Philharmonie, Paris Le 13/11/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | | Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Esa-Pekka Salonen, avec le concours de la pianiste Yuja Wang à la Philharmonie de Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Prélude (Partita n° 3 BWV 1066 (1723)
Esa-Pekka Salonen (*1958)
Fog (version orchestrale, 2019)
SergueĂŻ Prokofiev (1891-1953)
Concerto pour piano et orchestre n° 2 en sol mineur, op. 16 (1912)
Yuja Wang, piano
Richard Wagner (1813-1883)
Prélude et mort d’Isolde (1859)
Alexandre Scriabine (1872-1915)
Poème de l’extase, op. 54 (1908)
Orchestre de Paris
direction : Esa-Pekka Salonen |  |
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