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| CRITIQUES DE CONCERTS |
09 décembre 2025 |
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Nouvelle production de Robinson Crusoé d’Offenbach dans une mise en scène de Laurent Pelly et sous la direction de Marc Minkowski au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
L’île des laissés-pour-compte
Le retour du tandem Pelly Minkowski se révèle payant pour la recréation de Robison Crusoé. Les deux complices dynamisent une œuvre non exempte de tunnels. Le jeune ténor malgache Sahy Ratia montre une belle aisance tant vocale que scénique face à l’abattage de Julie Fuchs, alors que Marc Mauillon ajoute une nouvelle perle à son collier de rôles désopilants.
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Conte macabre
L’île des laissés-pour-compte
Le mal dominant
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Après une longue éclipse depuis la production de Robert Dhéry à la salle Favart en 1986, Robinson Crusoé revient en pleine lumière. Le grand spécialiste du compositeur, Jean-Christophe Keck, en a présenté une édition savante « panoramique », où les interprètes peuvent faire en toute connaissance et liberté leur marché. Sur cette base, le travail de Marc Minkowski et de Laurent Pelly donne toutes ses chances à l’œuvre pour un retour durable.
Et pourtant, cette production ne parvient pas à s’arranger complètement de la nature hybride d’une partition hésitant entre l’opéra-comique (voire bouffe) et l’opéra romantique traditionnel, notamment dans un premier acte bien longuet. Certes, par rapport à la mise en scène paresseuse de Dhéry qu’on peut regarder sur internet, la caractérisation parodique de cette heure du thé bénéficie d’une direction d’acteurs de premier ordre.
Il n’empêche les effusions lyriques dues à l’introduction d’une histoire d’amour par les librettistes sonnent de manière convenue et peu de mélodies s’imposent même si l’ensemble reste bien troussé. Au II, Pelly a transformé l’île en un campement de SDF au pied de grands buildings où se trouve Vendredi et fait de tout l’acte une critique de la société de consommation, un peu comme il avait changé la Sorcière de Hänsel et Gretel en caissière de supermarché.
Coup de génie qui permet en outre de renverser les aspects coloniaux du livret avec l’aide de la réécriture des dialogues par Agathe Mélinand : les anthropophages agissent sous la forme d’une chaîne célèbre de malbouffe dans une scène absolument drolatique où musique et paroles ont leur part de triomphe. Le III relève plus du comique de situation avec le retournement des pirates par Robinson et un happy end charmant et convenu.
Une distribution très adéquate soutient l’entreprise. Chez les dames, qu’on aurait aimées plus intelligibles, Emma Fekete en Suzanne a tout le piquant de son rôle de soubrette dégourdie. Adèle Charvet annoncée souffrante ne chante que des voyelles mais fait de Vendredi un personnage très émouvant. Pétulante Edwige, Julie Fuchs se régale de l’irrésistible Conduisez-moi vers celui que j’adore. Mais ce sont les hommes qui apportent le plus de satisfaction, en premier lieu avec Sahy Ratia pour un Robinson d’une fraîcheur ingénue. À ses côtés, le Toby de Marc Mauillon fait un effet tordant tandis que Rodolphe Briand expose toutes les saveurs de la fameuse recette du pot-au-feu humain.
À la tête d’une quarantaine de musiciens, Marc Minkowski se donne à fond et révèle toute l’inventivité d’un orchestre souvent délectable, parfois en forçant sur les épices. Aux saluts, triomphaux, son assistant Clément Pottier, un ancien Miles du Tour d’écrou de Britten, vient diriger une courte reprise. Soudainement, la musique fait entendre une texture et une élégance vaporeuses.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 03/12/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | | Nouvelle production de Robinson Crusoé d’Offenbach dans une mise en scène de Laurent Pelly et sous la direction de Marc Minkowski au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Jacques Offenbach (1819-1880)
Robinson Crusoé, opéra-comique en trois actes (1867)
Livret d’Eugène Cormon et Hector Crémieux
Accentus
Les Musiciens du Louvre
direction : Marc Minkowski
mise en scène, costumes : Laurent Pelly
adaptation des dialogues : Agathe Mélinand
scénographie : Chantal Thomas
éclairages : Michel Le Borgne
Avec :
Sahy Ratia (Robinson), Julie Fuchs (Edwige), Adèle Charvet (Vendredi), Laurent Naouri (Sir William Crusoé), Marc Mauillon (Toby), Rodolphe Briand (Jim Cocks), Emma Fekete (Suzanne), Julie Pastouraud (Deborah), Matthieu Toulouse (Atkins). |  |
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