L’année Ravel se termine par un évènement exceptionnel, la création française d’une œuvre inédite du maitre de Ciboure. En 2000, la BNF a fait l’acquisition du manuscrit formant le début d’une cantate écrite sur un livret imposé au concours du Prix de Rome 1900. La partition de Sémiramis que viennent de publier les éditions Durand s’étend sur douze minutes seulement. Alain Altinoglu vient de la diriger à Bruxelles avec son Orchestre de la Monnaie.

À présent, il insuffle à l’Orchestre de Paris la magie de cette découverte. Le prélude enchante par son ambiance mystérieuse, frémissement aux cordes et accords cuivrés sourds avant que la trompette ne dramatise la scène alors que l’orchestre bruisse de couleurs. Moins marquante, la danse qui s’enchaîne sacrifie avec grâce à l’exotisme à la mode d’alors et attendu pour un sujet babylonien. S’en suit la première et unique scène avec l’air de Manassès sur un texte fort convenu.

Le ténor Léo Vermot-Desroches le déclame à pleins poumons. La langue est limpide, le timbre claironnant et agréable nonobstant cette volonté de saturer l’acoustique de la salle Pierre Boulez. Ici et là, la musique fait entendre ce qu’elle doit à Saint-Saëns et c’est donc fort à propos que le programme propose ensuite le Concerto pour violoncelle n° 1 de celui-ci.

Remplaçant Sheku Kanneh-Manson blessé au doigt, la violoncelliste Julia Hagen surprend par une attaque plus lyrique qu’ardente. La fille de Clemens Hagen gonfle le son d’une sonorité plus chambriste que concertiste. Son beau médium, ses graves élégants se font mieux entendre dans l’intimité de l’Allegretto con moto central tandis qu’Altinoglu l’accompagne avec une efflorescence de couleurs pastel du meilleur effet. En bis, un Prélude de la Suite n° 1 de Bach sans imagination, avec un manque de style et des maniérismes désolants.

Retour à Ravel après l’entracte avec le ballet Daphnis et Chloé intégral. Alors que l’introduction part magnifiquement des limbes jusqu’à la lumière, Altinoglu fait sonner le chœur trop fort. Et de fait, le nuancier du chef français apparaît singulièrement restreint. Au fur et à mesure, il tend à se complaire dans les valeurs hautes. C’est qu’il semble inquiet de la mise en place de cette pièce difficile entre toutes et pourtant bien réalisée. Il dirige chaque mesure, décompose systématiquement dans un souci évident de clarté.

Les enchaînements périlleux se font avec une urgence qui ne vaut pas élan pour autant par son défaut de variété. Point d’alanguissement ou de raffinement pour cette conception sans doute involontairement crispée et prosaïque. En dehors de quelques merveilleux solos dont celui de la flûte, elle trouve son meilleur moment dans l’interlude choral chanté dans l’obscurité, apportant une magie fugitive.