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CRITIQUES DE CONCERTS |
18 septembre 2024 |
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On sait le goût d'Alain Planès pour la facture de piano hors des grands boulevards carrossés par Steinway et Bösendorfer. Pour son récital du théâtre des Champs-Élysées, c'est pourtant un Steinway tout à fait contemporain qu'il touchait. Mais, même sur ce meuble dont le vernis sonore a maintenant étalonné les oreilles de générations d'amoureux du piano, Planès trouve des ressources inédites pour le faire sonner comme jamais.
Dès la quarante-septième sonate de Haydn, qui l'a entendu sur un pianoforte au Châtelet comprend qu'il n'a pas oublié les leçons de l'instrument. Il s'ingénie avec succès à en imiter les changements de couleurs par registres, la transparence, la réponse dynamique rapide et il sait retrouver le même chant sans jouer legato.
Ce dernier point constitue d'ailleurs la griffe Planès. Loin de se conformer au belcanto pianistique ambiant qui fait jouer tout legato, tout lisse, tout poli, Planès préfère ajouter de l'air entre les notes. Dès lors qu'il est libéré du legato obligé, il peut varier son discours presque sans limite, simplement en changeant la quantité d'air ; et par ailleurs sans jamais tomber dans le systématisme d'un Glenn Gould, chef de file historique des "anti-legato".
Dans l'Appassionata de Beethoven, le piano symphonique est pratiquement un passage obligé. Ici Planès se montre magistral dans l'art de dompter la résonance : il ne recule devant aucun contraste dynamique, laisse le son s'éteindre jusqu'au pénultième soupir pour le ressusciter de manière plus éclatante, ou alors superpose crescendo des harmoniques qui s'accumullent en strates scintillantes. Sa familiarité avec le répertoire du XXe siècle n'est sans doute pas étranger à cette facette de son jeu.
Mais ce dernier n'est pas sans scories et le musculeux Steinway moderne est parfois plus fort que lui. Au sommet des fureurs beethoviennes, Planès se laisse un moment emporter, talonne, bafouille quelques traits. Il lui manque peut-être la quatrième pédale harmonique du piano de son collègue Georges Pludermacher pour éclairer le brouillard qu'il a engendré.
Celui-ci se dissipe paradoxalement avec Dans les brumes de Janacek. Là encore, la maîtrise de la résonance rend la lecture de Planès parfaitement captivante. Et pourtant son côté analytique n'est pas loin de contredire le titre, de même que le jeu non legato n'est sans doute pas idéal dans le répertoire slave
Retour en France avec Dusapin et Debussy où Planès est cette fois parfaitement dans son atmosphère naturelle. Cela ne l'empêche pas de prendre des risques pour aller toujours dénicher de nouvelles couleurs, même si elles sont enfouies au tréfonds des océans comme avec cette Cathédrale engloutie irradiante donnée en second bis devant un auditoire en apnée.
À quand un récital sur les fascinants Steinway ou Bechtein début du XXe siècle qu'il utilise pour ses disques ?
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| Le 21/03/2001 Eric SEBBAG |
| Récital du pianiste Alain Planès au Théâtre des Champs-Élysées. | Récital d'Alain Planès, piano
Joseph Haydn, sonate n047 en si mineur, hob. xvl32 allegro moderato menuet presto
Ludwig Van Beethoven, sonate n° 23 en fa mineur, opus 57, "appassionata"
Leos Janacek, Dans les brumes
Pascal Dusapin, étude n°1 "Origami"
Claude Debussy, préludes, livre 11 : brouillards, la puerta del vino, les fées sont d'exquises danseuses, la terrasse des audiences du clair de lune, feux d'artifice. | |
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