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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Concert de l'Orchestre de Paris dirigé par Christoph Eschenbach, avec la pianiste Hélène Grimaud.
Hélène Grimaud, docile comme un agneau
La semaine passée à la Cité de la Musique, l'Orchestre de Paris et son chef Christoph Eschenbach invitaient la pianiste Hélène Grimaud pour deux concerts aux programmes bigarrés. Toujours très médiatique et désormais américaine, notre vedette n'aura paru se libérer que par défaut du chef et pianiste qui la conviait.
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Partagés entre musique pour grands effectifs et répertoire de chambre, les concerts de l'Orchestre de Paris à la Cité de la Musique offraient au moins l'avantage de la variété, sinon de la cohérence flagrante.
Le premier s'ouvrit sur la Symphonie des Psaumes de Stravinsky, une oeuvre très rare à la scène car elle réclame des effectifs instrumentaux atypiques dont les violons sont excusés au profit de dix violoncelles et huit contrebasses ; sans compter un choeur abondant d'une centaine d'exécutants. Avec un sens de l'à -propos délicieux, la notice du concert souligne que Stravinsky souhaitait des voix d'enfants pour les tessitures aiguës du choeur ; lesquelles brillaient ici par leur absence.
Même si cette oeuvre inclassable de Stravinsky a longtemps été méprisée pour délit de "néo-classicisme", elle n'en offre pas moins une partition remarquable en ceci qu'elle pousse dans ses derniers retranchements les principes de l'écriture contrapuntique, et annonce, par certains côtés, le premier Messiaen. Eschenbach en a proposé une lecture saisissante par son caractère grandiose, mais un brin figée à force de ne se préoccuper que de lisibilité.
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L'oeuvre suivante est une création de Martin Matalon. Réclamant elle aussi une géométrie instrumentale singulière, Otras ficciones dissémine en plus des musiciens aux quatre coins de la salle. À quelques clins d'œil près vers le jazz, cette pièce souscrit à la mode actuelle des longues notes tenues constellées par des grappes de notes; lesquelles se trouvent agglomérées, sinon par accident, du moins dans un ordre avare de son secret.
Ici, les grappes deviennent rapidement si denses et si envahissantes que l'on ne peut plus qu'admirer la battue imperturbable d'Eschenbach qui reste parfaitement calme au plus fort d'une intempérie orchestrale presque ininterrompue sur une demi-heure. Imaginez un pianiste jouant presque toujours forte avec la pédale du même nom encollée au plancher : il suffit de remplacer le piano par l'orchestre pour en rester, au choix, abasourdi ou coi (voire les deux).
Mais, après tout, une Hélène Grimaud ne doit-elle pas se mériter ? Sans doute. Pourtant, son Quatrième Concerto paraît étrangement sage et son expression punie par la barre de mesure. L'Allegro moderato initial manque complètement sa fusion élégiaque avec l'orchestre : au lieu de porter la soliste, ce dernier la capture et l'enserre dans un carcan rigide dont elle ne s'échappera que le temps d'une cadence.
Le surlendemain, son duo au piano à quatre mains avec Christoph Eschenbach confirmera le loup. Si la mise en place est d'horlogerie suisse et la sonorité du piano incroyablement transparente malgré vingt doigts pour la pétrir (Eschenbach qui tient le haut du clavier est un maître dans l'utilisation de la pédale forte), les Images d'Orient ne possèdent pas une once d'exotisme et les Valses de Brahms prendraient à rebrousse-pieds les danseurs de la meilleure volonté à force de les priver d'appuis.
A contrario - lorsque la pianiste reviendra jouer le Quintette pour piano et cordes de Schumann avec des solistes de l'Orchestre de Paris mais sans leur chef -, c'est une Hélène Grimaud comme neuve que l'on entend. Elle sait de nouveau tenir de grandes phrases, élargir ou presser, porter des élans, poser des questions à des partenaires toujours prêts à l'emmener aussi loin que le réclament ses transports. Liesse garantie.
De son côté, Eschenbach a produit une lecture impressionnante de puissance et de souffle dans l'Ouverture Leonore en final du premier concert. Une seule déduction s'impose : les tempéraments de la pianiste et du chef sont, sinon antithétiques, du moins franchement désaccordés. On ira le vérifier les 18 et 19 avril prochains salle Pleyel puisque l'Orchestre de Paris invite à nouveau Hélène Grimaud, mais avec cette fois à sa tête Ivan Fischer. Saura-t-il lui aussi la mener à la baguette comme un agneau ?
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Cité de la Musique, Paris Le 06/04/2001 Eric SEBBAG |
| Concert de l'Orchestre de Paris dirigé par Christoph Eschenbach, avec la pianiste Hélène Grimaud. | Vendredi 6 avril
Igor Stravinsky :Symphonie des Psaumes
Martin Matalon : Otras ficciones pour instruments à vent, percussions et contrebasses (commande de l'Orchestre de Paris pour le cycle Berlioz 2003-création)
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano et orchestre n° 4 en sol majeur, op 58, Leonore III, ouverture en ut majeur op 72 ter
Orchestre de Paris
Christoph Eschenbach, direction
Choeur de l'Orchestre de Paris
Arthur Oldham, chef de choeur
Hélène Grimaud, piano
dimanche 8 avril
Johannes Brahms
Sonate pour clarinette et piano en fa mineur, op 120 n° 1
Valses pour piano Ă quatre mains
Robert Schumann
Images d'Orient pou piano Ă quatre mains
Christoph Eschenbach, Hélène Grimaud, pianos
Soliste de l'Orchestre de Paris
Pascal Moraguès, clarinette
Roland Daugareil, Nathalie Lamoureux, violons
Emmanuel Gaugué, violoncelle | |
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