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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Intégrale des concertos de Beethoven sur pianoforte avec Orchestre du XVIIIe siècle dirigé par Frans Brüggen.
Les lauriers de l'Empereur
Entendre les concerti de Beethoven sur pianoforte est suffisamment exceptionnel pour que cela constitue en soi un événement. En avril dernier, Frans Brüggen et son Orchestre du XVIIIe siècle invitaient trois pianistes jouant trois instruments anciens ou copies d'anciens pour une intégrale en trois concerts.
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De même que dans les sonates, on peut lire dans les concertos de Beethoven l'évolution d'un pianiste et d'un compositeur confronté à l'évolution de son instrument. Des deux premiers concertos, encore marqués par Mozart, au Concerto dit l'Empereur, il y a un monde expressif qui se modifie sous nos oreilles, par paliers brutaux, Beethoven répondant à chaque nouvel acquis de l'instrument par des audaces volontiers extrémistes.
D'où la bonne idée de choisir trois instruments de facture différente pour révéler aux mélomanes les changements qui se sont opérés dans la vie du compositeur-pianiste. Paul Komen, le lundi 23 avril, jouait sur un piano italien La Grassa de 1815, réutilisé le lendemain par Stanley Hoogland auquel était par ailleurs confiée une copie d'un Anton Walter de 1795 réalisée par Peter McNulty.
Ronald Brautigam, quant à lui, interprétait l'Empereur sur un Conrad Graf de 1835. Trois instruments de très belle apparence, mais aux sonorités inégales sur les deux instruments anciens (aigus " rincés " du Graf) à l'inverse du Walter-McNulty, magnifique de rondeur sur toute l'étendue du clavier.
Globalement, ces concertos ont quelque peu déçu par leur retenue, peut-être due essentiellement aux options de Frans Brüggen, privilégiant l'homogénéité orchestrale et refusant le tranchant qui aurait dû traduire l'extrémisme expressif beethovenien sensible dès le troisième concerto.
Certes l'orchestre s'est montré égal à sa réputation, avec une belle plénitude sonore, frappante concernant des vents ; mais quatre violons supplémentaires auraient certainement apporté un équilibre plus satisfaisant, surtout dans l'acoustique séduisante mais un rien mate de la Salle Gaveau rénovée.
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Rien à redire sur la minutie de l'articulation, la mise en relief exemplaire des pupitres et une discipline collective de haute tenue, autant de qualités manifestes dans la Symphonie Pastorale. Mais où sont les orages, les zones d'ombres et de mystères d'un Beethoven dont les tourments musicaux comme humains ne sont un secret pour personne ?
Il est vrai que les pianistes n'ont pas tous contribué à animer le débat. Si Paul Komen a fait preuve d'une élégance indéniable et d'un contrôle des nuances respectable dans le très mozartien Concerto n° 1, son Troisième Concerto n'a pas rendu totalement hommage à cette première " révolution " beethovenienne qu'il porte en lui.
De son côté, Stanley Hoogland n'est pas parvenu à sortir d'une réserve et d'une affectation aussi frustrante que déplacée, jusque dans un Concerto n° 4 avare de contrastes et sans aucune progression dynamique ; avec en particulier un Andante con moto à l'encéphalogramme absolument plat.
Il a fallu attendre Ronald Brautigam dans le Cinquième Concerto pour extirper l'orchestre et le chef de leur torpeur. D'un engagement admirable, Brautigam s'est emparé presque physiquement de l'ample symphonisme des mouvements extrêmes, dès la cadence introductive, insufflant à l'Adagio central un lyrisme poignant grâce à un art des nuances étagé à l'infini. Dommage que l'Empereur fut le seul à mériter des lauriers.
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Salle Gaveau, Paris Le 25/04/2001 Isabelle APOSTOLOS |
| Intégrale des concertos de Beethoven sur pianoforte avec Orchestre du XVIIIe siècle dirigé par Frans Brüggen. | Le 23 avril : Menuets, contredanses & danses allemandes (compilation de Frans Brüggen) – Concertos n° 1 & 3. Paul Komen, pianoforte.
Le 24 avril :
Ouverture des Créatures de Prométhée – Concertos n° 2 & 4. Stanley Hoogland, pianoforte.
Le 25 avril :
Symphonie n° 6 Pastorale – Concerto n° 5 L'Empereur. Ronald Brautigam, pianoforte.
Orchestre du XVIIIe siècle
Frans Bruggen, direction. | |
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