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CRITIQUES DE CONCERTS 29 mars 2024

Concert de l'ensemble Intercontemporain à la Cité de la Musique.

Le zéro et l'infini
© D.R.

Marc André Dalbavie

L'espace et le temps sont des notions très élastiques en musique et les compositeurs d'aujourd'hui aiment en jouer. Ainsi, l'autre jour, à la Cité de la Musique, Penthode d'Elliott Carter, pièce pourtant deux fois plus brève que Mobiles de Marc-André Dalbavie, semblait s'étirer presque à l'infini.
 

Cité de la Musique, Paris
Le 19/06/2001
Mathias HEIZMANN
 



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  • Trois compositeurs au programme de ce concert de la Cité de la Musique placé sous le signe de la création contemporaine : Carter, Kurtag et Dalbavie. Du premier, Penthode s'annonce passionnant si on en croit la notice : " Une expérience sur le caractère individuel et isolé des instruments, cinq groupes qui s'opposent ou se combinent alors qu'une longue ligne continue, allant d'un instrument à l'autre, relie la première à la troisième partie de la pièce. "

    Du coup, on rêve à un monde de tensions et de conflits balayés par un souffle unificateur, une oeuvre qui résout ses contradictions et dénoue les attentes qu'elle a éveillées. Il n'en fut pourtant rien. La magie des premiers instants et le lyrisme irrésistible de ce fameux fil conducteur se muent rapidement en promenade tranquille dans un paysage sonore admirablement construit mais parfaitement ennuyeux. Une fois de plus en matière d'art, l'intelligence ne fait pas tout.

    À la décharge de Carter, il faut dire que son oeuvre venait juste après les Scènes d'un roman de György Kurtag, Quinze petites merveilles de simplicité et de poésie sonore qui avaient placé la barre assez haut. Car ici, la moindre inflexion, la plus infime nuance, semble donner du sens aux poèmes de Rimma Dalos, jusqu'à rendre presque inutile la lecture des traductions. Tout un monde s'y déploie sous nos oreilles, on suit les questionnements angoissés du narrateur, une femme aux prises avec ses doutes et ses craintes.


    Ainsi, de pièce en pièce, la musique installe une forme de mise en scène dont la force laisse pantois. Maria Husmann s'y montre une prodigieuse actrice - où conteuse, on ne sait pas trop - et sa présence vocale donne une curieuse impression d'intimité, comme si s'adressant à l'ensemble des auditeurs, elle parlait à chacun. Et il faut souligner la difficulté inhérente de ces pièces brèves : il s'agit de se plonger instantanément dans chaque univers et de changer de peau quinze fois de suite. À ce jeu de caméléon, l'ensemble Intercontemporain emmené par David Robertson se révèle souverain.

    La création de Mobiles de Marc-André Dalbavie mérite elle aussi tous les éloges. L'oeuvre met en place un dispositif sonore de spatialisation parfaitement efficace qui s'articule autour d'une idée simple : installer une confusion totale entre les murmures de la salle et l'oeuvre elle-même. Concrètement, les paroles des choristes de l'ensemble Accentus se mêlent aux voix du public alors que les musiciens semblent encore accorder leurs instruments.

    On met un certain temps à s'en rendre compte, en partie grâce à l'équilibre du son amplifié et à la disposition des hauts parleurs, mais surtout en raison de l'étrangeté de la situation. La force de cette sorte d'ouverture est probablement liée au sentiment d'être partie prenante d'une oeuvre qui cherche à abolir les frontières, qu'elles soient spatiales ou temporelles.

    Mais cette belle idée aurait très bien pu se réduire à un simple effet si l'auteur n'avait montré, à la fois dans le traitement sonore et dans la conception générale de sa composition, une maîtrise sans faille et un imaginaire sans fin. Ainsi, Mobiles fascine constamment parce que l'oeuvre semble toujours parler d'un ailleurs, d'un objet insaisissable que l'on croit parfois tenir, au détour d'une parole, d'un accord ou d'une image. De ce point de vue, cette composition redonne au symbolisme cher à Debussy une place de choix et assume parfaitement l'ambiguïté du sens, tout en donnant à chaque spectateur la possibilité de construire son propre univers, quelque part entre le zéro et l'infini du temps musical.




    Cité de la Musique, Paris
    Le 19/06/2001
    Mathias HEIZMANN

    Concert de l'ensemble Intercontemporain à la Cité de la Musique.
    György Kurtag : Scène d'un roman, op 19.
    Elliott Carter : Penthode
    Marc-André Dalbavie : Mobiles pour choeur et ensemble (création)
    Ensemble Intercontemporain
    Direction : David Robertson
    Maria Hussmann, soprano

     


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