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CRITIQUES DE CONCERTS 26 avril 2024

Double récital de piano au Festival d'Auvers sur Oise.

La barque, la cathédrale et l'océan

Programme pianistique très nourri, vendredi 15 juin, au Festival d'Auvers-sur-Oise, puisque se succèdent le même soir Marie-Josèphe Jude et Marc Laforêt qui donnent chacun un récital très disert : Quatre Ballades, une Sonate et un Scherzo de Chopin pour lui, à peu près autant de pièces d'Ohana, Bacri, Dusapin, Ravel et Debussy pour elle.
 

Eglise Notre-Dame, Auvers-sur-Oise
Le 19/06/2001
Jacques DUFFOURG
 



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  • Couronné de plusieurs prix lors du Festival Chopin de Varsovie en 1985 et disciple d'Arthur Rubinstein, c'est justice que Marc Laforêt se soit imposé comme spécialiste de ce musicien. Son programme à Auvers prend la forme d'un diptyque où les rêveuses (mais tourmentées) Ballades trouvent un écho amplifié de leur mal-être dans deux oeuvres véhémentes liées par la même morbide tonalité : la Sonate Marche funèbre et le deuxième Scherzo. Ce dernier est un bis, mais sa gémellité avec la Sonate l'intègre dans sa continuité.

    Des Ballades, Laforêt propose une lecture toute de délicatesse mais peut-être par trop " mendelssohnienne " (ce qui n'a d'ailleurs rien d'injurieux). Sans perdre son côté agreste, elle aurait sûrement gagné avec une dimension davantage tellurique (à la Samson François).

    On serait resté sur cette impression apollinienne et mitigée, n'était le second versant du parcours. Si la Sonate demeure en deçà de la vision d'outre-tombe d'un Zimerman à Pleyel en 1998 (mais comment l'égaler ?), elle permet au virtuose de pénétrer bien plus avant dans les raucités du Polonais, voire sa sauvagerie.

    Situé après le bis schubertien (Impromptu opus 90 n° 2, virevoltant et violent), le Scherzo renchérit encore sur la crispation macabre d'un Samson François, précisément ; brillant, cruel et haletant, il permet à Marc Laforêt de conclure avec la geste pathétique qui a un peu manqué à sa première partie.

    Entracte. Vient le tour de Marie-Josèphe Jude. Très liée à Maurice Ohana, elle entame d'autorité son périple par trois de ses Etudes : d'emblée, elle fait sonner le très beau Yamaha avec un luxe de couleurs et d'harmoniques propres à happer l'attention du public ; qui ne la relâchera plus.

    Ces pièces sont " d'exécution transcendante " - justement, la troisième n'est pas sans évoquer Liszt. Si la précédente peut faire penser à Schönberg, la toute première livre, sans qu'on le sache encore, la clef du voyage d'un soir, par ses résonances à la fois debussystes (Images), et ravéliennes (Gaspard de la Nuit).


    Bacri en fil rouge

    Le festival d'Auvers s'est, cette année, donné pour fil rouge l'interprétation, à chaque concert, d'oeuvres du jeune compositeur Nicolas Bacri. Opérant, comme beaucoup de ses confrères un retour patent à la tonalité, il offre à Jude une courte mais dense Sonatine qui, là encore, n'emprunte pas que son titre à Ravel.

    C'est donc logiquement que la pianiste, avec un raffinement de toucher étonnant et une vertigineuse pulsation, propose – hors programme édité – Une barque sur l'Océan, du solitaire de Montfort l'Amaury. Moment suspendu, continu et contrasté pourtant, un absolu état de grâce. Revenant à la musique actuelle, elle impose l'étude Tangram de Pascal Dusapin, envoûtant concertino pour la main droite, basé sur une onirique et obsédante symbolique du nombre trois, et non dépourvu de puissance et de dureté.

    Six préludes de Debussy viennent clore cette progression initiatique, en retournant à la source. Si les Danseuses de Delphes déçoivent un peu par une certaine décoloration, il n'en va pas de même pour les trois suivantes, qui préparent par un jeu de plus en plus suggestif, aux magnifiques volutes, le second sommet de la soirée : la Cathédrale engloutie, cascade de sons gothiques tenus dans l'air du soir par le goût de correspondances quasi baudelairiennes. Même Zimerman n'a pas fait mieux.

    On se doute que la sixième, et dernière des deux recueils, Feux d'artifice, justifie largement son titre. Enfin, un bis de Chopin tend la main avec élégance à son collègue. Ainsi Marie-Josèphe Jude referme-t-elle avec la pédagogie du naturel, qui est la marque des grands, le cercle symboliste de ce grand océan, à l'incessant ressac, qu'est le XX° siècle pianistique français. Comble de luxe dans la simplicité, elle prend soin de présenter sobrement ses choix, avec le plus confondant des sourires. Ce doit être ce qu'on appelle la grâce.




    Eglise Notre-Dame, Auvers-sur-Oise
    Le 19/06/2001
    Jacques DUFFOURG

    Double récital de piano au Festival d'Auvers sur Oise.
    Marc Laforêt 
    Frédéric Chopin : les quatre Ballades, Sonate n° 2 en si bémol mineur, Scherzo n° 2 en si bémol mineur.

    Marie-Josèphe Jude
    Maurice Ohana : trois Etudes
    Nicolas Bacri : Sonatine
    Maurice Ravel, une Barque sur l'Océan
    Pascal Dusapin : Étude Tangram
    Claude Debussy : six Préludes, extraits des deux Livres.


     


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