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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Récital du pianiste Murray Perahia au Théâtre du Châtelet.
Un drôle de caméléon pianistique
Son récent récital parisien comme son disque consacré aux variations Goldberg ont produit une forte impression, c'est pourquoi on attendait avec intérêt la dernière prestation parisienne de Murray Perahia. Cette fois, ce pianiste qui avoue s'adonner au clavecin en privé, avait choisi un répertoire 100% pianistique.
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Au disque, Murray Perahia a imposé un jeu très équilibré, rond, avec peu d'aspérités et comme nourri d'un flux mélodique permanent, même dans Bach. Pour le début de ce récital parisien, la Fantaisie en ré mineur illustre pleinement cette manière.
Perahia-Gandhi endosse un Mozart absolument non violent, intérieurement chantant, doux et apaisant jusqu'à paraître doublé de coton. Ici, les petits épisodes de bourrasques ne feront pas plus de trouble qu'un courant d'air et d'une porte qui claque.
Avec Schubert en revanche, l'horizon se bouche. Perahia-Goethe paraît d'emblée désabusé et gavé d'amertume. Il déroule de longs crescendo comme des bobines de sanglots. Dans le grand mouvement lent de la sonate, chaque note semble soutirée à grand-peine contre l'envie de renoncer à poursuivre le voyage.
L'ironie des deux derniers mouvements est grosse de désillusions et le piano ne recule plus devant quelques confidences impudiques. Il pleut des notes tristes. Et, est-ce la boue inhérente à ce climat, les doigts collent un peu au fond des touches détrempées de legato; si on excepte deux passages très articulés.
Le pianiste n'en garde pas moins un son toujours clair et sa conduite très narrative figure de manière personnelle et intime la fêlure Schubertienne. Pourtant l'américain a-t-il interprété la relative torpeur du public comme de l'ennui? Toujours est-il qu'il va changer complètement de manière après l'entracte.
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Avec Chopin, on découvre un Perahia-Trintignant très énervé. Plus abrupt, accélérant ses fins de phrases, assénant ses conclusions du plus fort qu'il peut, son Chopin déverse sa révolte intérieure. Mais c'est pourtant la colère d'un homme dont le tempérament est normalement civil et patelin, toujours aimable et presque timide. Bref, un mouton enragé.
De fait, la turbulence engendrée ne suffit pas à gommer certaines limites techniques. Manquant d'épaules, Perahia-Trintignant talonne trop vite le clavier: il le brusque donc mais n'en sort pas toute la substance. Manifestement, la dernière étude de l'opus 25 excède ses moyens: et cela traduit par des fausses notes (ensevelies de pédale), du flou, des hésitations et des baisses de tensions.
Au milieu de quatre bis chopiniens, un deuxième impromptu de Schubert sur le même élan crispé confortera la thèse d'une volonté pragmatique d'un Perahia-Trintignant voulant séduire par ses prouesses puisque Perahia-Gandhi s'est définitivement éclipsé.
En définitif, Perahia-Janus est un drôle de caméléon pianistique. S'il manque parfois de carrure et si son toucher est parfois défaillant, il n'est pas démuni d'imagination, ni de finesse et de volonté d'adaptation. Autant d'authentiques qualités de musicien.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 01/06/2001 Eric SEBBAG |
| Récital du pianiste Murray Perahia au Théâtre du Châtelet. | Mozart : Fantaisie en ré mineur K 475
Schubert : Sonate D 960
Chopin : 3e Ballade op. 47 - 5 Études op. 25 2e Scherzo en si bémol mineur
Bis : 2 Ă©tudes et un nocturne de Chopin, 2e impromptu de Schubert
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