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CRITIQUES DE CONCERTS 27 avril 2024

Le Carnet d'un disparu de Leos Janacek au festival d'Aix-en-Provence.

Un carnet très noirci
© D.R.

Le pianiste Alain Planès

Ni opéra, ni oratorio, le Carnet d'un disparu de Leos Janacek est une oeuvre proprement inclassable à la géométrie anti-conformiste : cinq chanteurs, deux comédiens, un piano ; à Aix récemment, celui magistral et orchestral d'Alain Planès. Une heure pour distiller une substance musicale épurée, dans une parfaite pénombre.
 

Festival d'Aix - Hotel Maynier d’Oppède, Aix-en-Provence
Le 10/07/2001
Françoise Malettra
 



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  • Noir total sur la cour de l'HĂ´tel Maynier d'Oppède. Aux pieds des gradins, on distingue Ă  peine un piano, la faible lueur des pages blanches d'une partition, et le pianiste, figĂ© dans une immobilitĂ© absolue.

    Un comédien s'avance lentement, très lentement : " J'ai croisé une jeune tsigane, elle avait l'allure d'une biche, sur sa poitrine des tresses noires, et des yeux au regard sans fond, elle m'a lancé un long regard
    ".


    L'auteur du poème ? Janik, un jeune paysan, croit-on, mystérieusement disparu de son village de Moravie, et dont on découvre un jour quelques notes manuscrites dans lesquelles il révélait l'histoire de sa passion pour Zefka la tsigane,où il disait l'appel de la vie plus fort que la morale paysanne qui le tenait prisonnier des lois familiales et religieuses, et la fuite des deux amants bravant tous les interdits.

    Lorsqu'il découvre à son tour le carnet du disparu, Janacek à 60 ans. Il vient de sortir victorieux de la bataille de son opéra Jenufa, premier des chefs d'oeuvre qui suivront dans les dernières années, et il est éperdument amoureux d'une jeune femme rencontrée dans une ville d'eau deux ans plus tôt. Elle a vingt-cinq ans, des yeux noirs, des cheveux bruns, un peu tsigane, et
    mariée.

    Sa vie bascule, ils ne se quittent plus, et il lui offre cette oeuvre étrange, énigmatique, envoûtante, où s'exprime toute sa philosophie de la vie, dénonçant d'un côté l'oppression de la faute et de la punition, revendiquant de l'autre le droit à la liberté en amour, la réhabilitation de l'érotisme et l'éclatement des tabous de la société bourgeoise.


    Le comédien s'est retiré. Les deux chanteurs ont pris place, loin l'un de l'autre, eux aussi noyés dans l'ombre, avec pour seul guide, seul repère, le piano, et de temps en temps un rougeoiement diffus sur les arbres du jardin. Ils vont revivre leur histoire, sollicités par une musique d'une extrême économie de moyen.

    Elle est faite de cellules miniaturisées, répétées avec obstination, qui font éclater le poème, le réduisent à l'essentiel, s'accrochent au langage parlé, celui qui dit simplement la passion, la peur, l‘embrasement des corps, l'abandon, le bonheur
    Et c'est la musique qui se substitue à l'action, qui devient théâtre.

    Pour le metteur en scène Claude Régy : " l'acteur, puis le chanteur, seront livrés au public, comme la matière vivante du poème maladroit, sans aucune incarnation du personnage. Ils seront là, dans la lumière, l'ombre étant considérée comme une catégorie de la lumière. " Le carnet est donc très sombre et l'on comprend pourquoi le metteur a refusé que l'on prenne des photos de son spectacle ; il faudrait s'y prendre à l'infra-rouge.

    L'oeuvre est donnée en langue tchèque, sans aucun surtitrage. Il est interdit aux interprètes de sourire lors des saluts et ordre leur est donné de rester impassibles sous les applaudissements. Cela n'a pas empêché le public de leur faire comprendre à quel point il était impressionnés par la performance comme par la rugueuse beauté de la musique de Janacek ; je n'en n'étais pas moins heureuse de retrouver les lumières (artificielles, certes !) de la ville.




    Festival d'Aix - Hotel Maynier d’Oppède, Aix-en-Provence
    Le 10/07/2001
    Françoise Malettra

    Le Carnet d'un disparu de Leos Janacek au festival d'Aix-en-Provence.
    Direction musicale et piano : Alain Planès
    Mise en scène : Claude Régy
    Avec Adrian Thompson(ténor), Hana Minutillo (mezzo-soprano), Anna-Pia Capurso, Anne Horbach, Marine Gaspar (trois voix de femmes) , Yann Boudaud, Bénédicte Le Lamer (comédiens).

     


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