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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Falstaff de Giuseppe Verdi au festical d'Aix-en-Provence.
Un Falstaff
d'une belle couleur
Le nouveau Falstaff du festival d'Aix-en-Provence était alléchant à double titre : d'abord pour la baguette d'Esa Pekka Salonen, ensuite pour la mise en scène d'Herbert Wernicke, encore auréolé de ses succès salzbourgeois. Si l'absence du premier a évidemment déçu, Wernicke, lui, a rempli son contrat.
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Le plateau de théâtre de l'Archevêché est une boîte vide, entièrement lattée de bois blond. Rien ne bouge. Patience ! Juste le temps pour le public de saluer le chef Enrique Mazzola qui remplace au pied levé Esa Pekka Salonen empêché, et l'Orchestre de Paris attaque.
Une porte à deux battants s'ouvre brusquement en fond de scène. On apporte une table, un fauteuil, un lit, un miroir, et le premier Falstaff noir de l'histoire entre dans sa chambre de l'auberge de la Jarretière. Du chic. Mieux, de la classe : gilet de flanelle sur panse modeste et voix de gospel.
On se dit que ce vieux John là ménage quelques surprises, qu'il ne doit pas être aussi naïf qu'on veut bien le dire, et qu'il n'est pas certain que les joyeuses commères de Windsor en viennent à bout aussi facilement que ça.
Bien sûr pourtant qu'elles y parviendront. Shakespeare l'a écrit et Verdi a signé. Mais Herbert Wernicke qui a tout pris en charge (mise en scène, décors, costumes) nuance : le bouffon de Willard W. White sera vaniteux, colérique, mais à peine brailleur, et pas excessivement paillard.
Pour Wernicke, " Falstaff est de la race des Don Juan et des Don Quichotte, de ceux qui dérangent la société parce qu'ils ne sont pas comme tout le monde. En affirmant sa liberté il se met en marge. Il devient l'étranger, celui qu'on rejette parce qu'il ne respecte pas les règles du jeu. "
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Mais il ne prend pas la fuite comme Don Juan, il n'est pas la victime expiatoire qu'est Don Quichotte. Il connaît le remède contre le malheur : une bonne choppe de vin chaud, et l'idée de la mort à laquelle il vient d'échapper dans les eaux de la Tamise où les commères l'avaient jeté, est vite envolée.
Avec son timbre de bronze, son allure de chevalier à la réjouissante figure, White révèle une toute autre nature du personnage. Pauvre, il s'en moque, tricheur, il en joue allègrement, amoureux des femmes et du bon vin, il en assume les conséquences. Il est bien cet homme d'honneur, même si " par nécessité " il doit parfois " laisser de côté la crainte de Dieu, user de stratagèmes et d'équivoques
Après tout, l'honneur ne remplit pas le ventre ! ".
Il est celui qui sortira vainqueur de la chasse à l'homme menée par ces ridicules bourgeois pleins de morgue qui croyaient l'abattre, en leur prouvant avec panache que " tout dans le monde n'est que farce ". Il se passe tellement de choses dans cette boîte magique, où des trappes s'ouvrent et se referment à cour, à jardin, au sol, où tout le monde s'épie, bavardent et complotent, que l'orchestre semble parfois lutter pour reprendre l'avantage et déployer les trésors d'invention que lui offre Verdi.
Mais que Nanetta est jolie et sa voix fascinante quand elle se transforme en Reine des fées ! Quel talent ont Quickly, Alice et Meg lorsque leurs voix s'accordent pour concerter dans le style le plus pur de la musique de chambre. Beau cadeau pour un anniversaire.
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Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence Le 10/07/2001 Françoise MALETTRA |
| Falstaff de Giuseppe Verdi au festical d'Aix-en-Provence.
| Orchestre de Paris
Choeur de l'Académie européenne de Musique
Direction musicale : Enrique Mazzola
Mise en scène, décors et costumes : Herbert Wernicke
Avec Willard W. White (Sir John Falstaff), Charlotte Hellekant (Meg Page), Geraldine McGreevy (Alice Ford), Nora Gubisch (Mrs. Quickly), Marcus Jupither (Ford), Miah Persson (Nanetta), Yann Beuron (Fenton), Paolo Battaglia (Pistola), Santiago Sanchez Jerico (Bardolfo)
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