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CRITIQUES DE CONCERTS 04 octobre 2024

Nouvelle production de Jenufa de Leos Janacek au festival de Salzbourg.

Salzbourg 2001 (1):
Sir John loin de son jardin

© DG - Universal

Sir John Eliot Gardiner

L'édition 2001 de Salzbourg s'est ouverte avec Jenufa de Janacek. Bénéficiant du concours du réalisateur américain Bob Swaim pour la scène et d'une distribution alléchante, cette Jenufa promettait beaucoup ; si ce n'est le choix surprenant de Sir John Eliot Gardiner à la baguette.
 

Felsenreitschule, Salzburg
Le 26/07/2001
Yannick MILLON
 



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  • Le principal atout de la mise en scène de Bob Swaim est une grande sobriĂ©tĂ© permettant Ă  l'auditeur de se concentrer sur les personnages et leurs affrontements. La direction d'acteurs très efficace rend les personnages rĂ©alistes et humains ; les scènes de foule très soignĂ©es sont aussi captivantes que le drame lui-mĂŞme.

    Pour surmonter les contraintes du lieu – le cadre exceptionnel du Manège des Rochers dont la scène est très large, sans rideau et avec des coulisses peu accessibles – le dĂ©corateur a eu l'idĂ©e d'un dĂ©cor unique lĂ©gèrement variĂ© Ă  chaque acte, et d'une grande arche blanche pour dĂ©limiter l'espace scĂ©nique ; ce qui se passe au dehors est extĂ©rieur Ă  l'action.

    Au deuxième acte, un tulle au fond de l'arche sépare l'intérieur de la maison de l'extérieur où tombe la neige. Le travail chromatique sur l'arche à la fin de chaque acte – rouge sang, jaune criard, et enfin blanc à nouveau – structure le drame avec une brusquerie presque un peu appuyée.

    Au fond de scène, l'entrée de service d'une usine désaffectée qui porte une vieille enseigne au nom de la famille trahit d'emblée une certaine désolation que confirmera la vieillesse prématurée d'une Kostelnicka aussi usée que sa mère. Côté jardin, la grande roue du moulin ne s'immobilise que pour l'épilogue final comme si la tragédie était à terme. Côté cour, un arbre marque le changement des saisons entre les actes.


    Irradiante Mattila

    Survolant la distribution, Karita Mattila est une Jenufa bouleversante, femme meurtrie et humiliée mais toujours digne et foncièrement bonne, irradiante de présence et de beauté. Le timbre somptueux qu'on lui connaît, aux aigus agiles et aux pianissimos admirables, l'intelligence du texte et la clarté de la diction font de sa Jenufa l'une des incarnations les plus marquantes de ces dernières années.

    Hildegard Behrens campe une Kostelnicka carnassière, inflexible et austère. Son moment de doute au deuxième acte n'en est que plus poignant. La tessiture du rôle, pas exactement idéale pour sa voix aux aigus encore superbes, la force à poitriner pour faire sonner le bas médium et le grave. Il en résulte un chant châtié mais efficace. Sa présence scénique est tellement impressionnante qu'on en oublie quelques sons outrés.

    June Card est une aïeule de grande classe, excellente actrice. L'émission, large, est idéale pour le rôle. Les deux frères, sans être du niveau des femmes, assument bien leur renommée. Jerry Hadley n'a plus le physique d'un Laca mais offre une belle prestance et un chant franc, d'une grande musicalité. Malheureusement, les aigus sont assez claironnants.

    David Kuebler, Steva faible et pathétique, a de beaux aigus mais un médium un peu étriqué. Dans la scène du retour de la conscription, son jeu est bienvenu car il ne force jamais le trait de l'ébriété. Les seconds rôles ne sont pas en reste, de la Karolka pétillante et plutôt sympathique de Martina Jankova – au timbre étincelant et à la jeunesse contagieuse – au maire et au contremaître solides et sonores. Jano et Barena, sans défauts majeurs, ne marquent en revanche guère.


    La philharmonie tchèque dans son jardin

    Avec cette oeuvre qui est l‘un de ses chevaux de bataille, l‘orchestre philharmonique tchèque est dans son jardin, En comparaison de l'Ă©poque Ancerl ou Neumann, le son a bien changĂ© : au fil des annĂ©es, les bois sonnent de plus en plus rond et l'image globale est beaucoup moins acide que par le passĂ©. De fait, la phalange tchèque semble avoir perdu un peu de son identitĂ© sonore et se rapproche de plus en plus des standards internationaux.

    La prestation n'en reste pas moins de haut vol, avec des cors impressionnants, (mais un violon solo parfaitement oubliable). Reste la direction de Gardiner dont les affinités avec le répertoire morave ne sont pas évidentes. Assez fluide et théâtrale, sa lecture économe, avare de nuances et de contrastes abrupts, décharnée, manque singulièrement d'ampleur et de continuité dramatique.

    Très séquentielle, et par conséquent peu claire quant à l'enchaînement des différents épisodes, cette vision manque d'arêtes vives, les touches d'orchestration crues de Janacek passant souvent inaperçues. À côté de certains passages très réussis (l'épilogue, avec des cordes en sourdine, les scènes de foule avec des choeurs réglés au millimètre), on relève çà et là des imprécisions rythmiques indignes de la réputation de Gardiner.

    Or ce dernier passe pourtant pour un intraitable dompteur d'orchestres. La nouvelle fibre morave de Sir John-Eliot n'aurait-elle pas convaincu la phalange tchèque ?




    Felsenreitschule, Salzburg
    Le 26/07/2001
    Yannick MILLON

    Nouvelle production de Jenufa de Leos Janacek au festival de Salzbourg.
    Jenufa, opéra en trois actes de Leos Janacek
    Livret de Janacek d'après Gabriela Preissova
    Chanté en tchèque
    Choeurs de l'Opéra de Vienne
    Orchestre Philharmonique Tchèque
    Orchestre du Mozarteum de Salzburg (musique de scène)
    Direction : John-Eliot Gardiner

    Mise en scène : Bob Swaim
    Décors : Ferdinand Wögerbauer
    Costumes : Chloe Obolensky
    Éclairages : Jean Kalman

    Avec Karita Mattila (Jenufa), Hildegard Behrens (Kostelnicka), June Card (l'Aïeule), David Kuebler (Stewa Buryja), Jerry Hadley (Laca Klemen), Martina Janková (Karolka), Gaële Le Roi (Jano), Astrid Hofer (Barena), Eva Jirikovská, Petra Klein (danse)

    Cliquez ici pour visiter le site du festival.

     


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