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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Concert de la Kremerata Baltica au festival de Radio-France et Montpellier.
Voyage d'hiver
ou sacre du printemps ?
La musique a besoin de rythme. De Vivaldi à Piazzolla en passant par Haydn et Tchaïkovsky, celui des saisons a souvent servi à rythmer son inspiration. Après son disque des huit saisons (Teldec), Gidon Kremer et son ensemble Kremerata Baltica creusaient cette même veine au festival de Radio-France et Montpellier.
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Festival de Radio France et Montpellier, Opéra Berlioz Le Corum,
Le 26/07/2001
Jacques DUFFOURG
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Pour son disque des huit saisons, Gidon Kremer réunissait l'inusable Vivaldi et la musique du bandéoniste Astor Piazzolla arrangé par le compositeur Leonid Desyatnikov.
À Montpellier, c'est une composition de ce dernier, les Saisons russes, qui allait constituer le coeur du concert de la Kremerata Baltica. À l'écoute, les sources d'inspirations paraissent multiples : il y a une certaine veine folklorique dans laquelle la soprano Yulia Korpacheva introduit une intensité confondue à celle des cordes et du violon solo en particulier.
Il y a aussi une pointe de piété, le compositeur ayant fait de chaque saison un triptyque selon la liturgie orthodoxe. L'étonnant est que cela paraît totalement imbriqué dans une architecture à facettes, ne dédaignant ni la référence vivaldienne (pizzicati), ni l'onctuosité incantatoire (unisson sur la quatrième corde), ni la rythmique américaine (du nord comme du sud).
L'oreille reconnaît encore un soupçon de Carmina Burana et de timbres tziganes. Musique patchwork donc ? Non, car on ne sait quel liant caché réussit à donner une couleur et une unité typiquement russe à l'ensemble. Sans doute, la conviction des interprètes n'y est pas étrangère : Yulia Korpacheva décidément étonnante dans son rôle d'instrument à gosier, la propension chorale des cordes aussi, sans oublier un Kremer au medium de sous-bois en automne.
Il faut écrire qu'avant Desyatnikov, un arrangement instrumental des Saisons pour piano de Tchaïkovsky avait déjà plongé l'auditoire dans le bain russe. De la plume d'Alexandre Raskatov, l'arrangement donne une forte perspective symphonique à cette partition, une réalisation remarquable puisqu'un ensemble de chambre (augmenté d'un piano et d'un vibraphone) réussit à donner cette impression.
Raskatov y ajoute des inspirations de son cru et réussit un climat qui parvient, sinon à surpasser, du moins à renouveler l'original, et dans une perspective contrastée non moins séduisante (les castagnettes de Kremer !). À noter l'importance de la contrebasse, et la technique souvent virtuoses des instruments.
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Un quintette à vingt-deux têtes
Après ce dépaysement, on est presque déçu de revenir en terrain connu avec le Quintette en ut de Schubert. Mais Kremer surprend encore avec un pari franchement osé : confier le chef-d'oeuvre à vingt-deux instrumentistes au lieu de cinq !
Le Letton, auteur de la transcription, quadruple les violons et cherche à étoffer le grave en adjoignant deux contrebasses à quatre violoncelles. L'ajout de rien moins que huit altos, dont le bas de la tessiture caresse souvent par le pourtour les clefs de fa, corrige le léger déséquilibre qui aurait pu naître.
Une disposition savamment asymétrique, étudiée (à répétitions forcées) pour cette salle, parachève le stratagème. Le résultat ? Un Schubert vigoureusement dépoussiéré, allégé et dense à la fois, dansant et introspectif ; le tout sans rien amplifier, un comble de luxe compte tenu du sureffectif.
Rarement le second thème de l'Allegro aura paru si diaphane, détaché du monde. Les silences sont impressionnants, et les syncopes très marquées martèlent dans le Finale une énergie tellurique. Le tout s'achevant dans un dernier accord lugubre, puis apaisé dans l'unisson le plus ténu.
Voyage d'hiver ou sacre du printemps ? Quoi qu'il en soit, ce Schubert-là faisait saison commune avec le reste du programme. Dans le deuxième bis (Piazzolla), en forme de gag à la Symphonie des Adieux, chacun part l'un après l'autre, comme l'automne reviendra bientôt : sur la pointe des pieds.
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Festival de Radio France et Montpellier, Opéra Berlioz Le Corum, Le 26/07/2001 Jacques DUFFOURG |
| Concert de la Kremerata Baltica au festival de Radio-France et Montpellier. | Alexandre Raskatov (né en 1953) : The Season's Digest (2001), d'après Les Saisons de Tchaïkovsky
Leonid Desyanitkov (né en 1955) : Quatre Saisons Russes pour violon, soprano et cordes ; création française.
Franz Schubert : Quintette en ut majeur D 956, version de Gidon Kremer.
Yulia Korpacheva, soprano. Gidon Kremer, violon solo - premier violon (Schubert). Ensemble " Kremerata Baltica ", direction Gidon Kremer | |
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